THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 

LA FÉE. - N'admettez-vous pas que mon pouvoir aille jusque là ?


LA REINE ABEILLE. - Nos procédés sont si différents.

?
LA FÉE. - Il ne s'agit pas de cela, et, sur ce point, nous nous entendrons les preuves en main.


ÉGLANTINE (au Chevalier). - La Fée est d'une humeur charmante.


LE CHEVALIER. - Elle se moque de la reine avec une adresse extrême.

LA FÉE (à la reine). - On dit, Madame, que vous n'avez pas pu jusqu'ici consentir, à prendre un époux.


LA REINE. - Les demandes ne m'ont pas manqué, vous pouvez le croire ; mais je craignais qu'en partageant mon pouvoir, un Roi voulût changer quelque chose à mes habitudes économiques : ce motif m'a fait repousser tous mes soupirants. Il en était un cependant, le plus étourdi des princes, je déplore encore sa perte, le prince Papillon, mon voisin ; il possède des terres étendues et fertiles, mais n'en tire aucun parti. Et même, ses sujets, ainsi que lui, venaient butiner dans mes États. Le prince me faisait une cour assidue ; je serais peut-être parvenue à le rendre raisonnable, malgré ses ailes, lorsque ses sujets ont commis des dégâts intolérables sur mes terres. Mon parti a été pris, j'ai fait la guerre. Le royaume de Papillon est maintenant annexé à mes États, et l'aspect en est complètement changé. À la place des jardins naturels, on voit des villes, des champs fertilisés, les forêts tombent sous la hache.


LE PRINCE PAPILLON (sans se montrer). - Ô ciel !


LA REINE ABEILLE. - Qui a jeté ce cri ? J'ai cru reconnaître la voix du prince.


LA FÉE. - Vous êtes sûrement dans l'erreur. Avez-vous eu de ses nouvelles ?


LA REINE. - Jamais, hélas !


LA FÉE. - Et s'il revenait vers vous, toujours aussi épris de votre personne ?


LA REINE, - Par bonté, je lui accorderais la moitié de ma couronne, un revenu fixe et l'administration des théâtres, fêtes publiques, galas de cour.


LA FÉE. - Très bien pensé. Venez donc prince.


LE PRINCE PAPILLON. - Adorable reine, je me prosterne à vos pieds.


LA REINE. - Si je vous avais su là je ne me serais pas prononcée aussi vite.


LA FÉE. - Je puis encore faire quelque chose pour vous : il dépend de moi, en ôtant les ailes du prince, de le rendre aussi sage qu'il est frivole.


LE PRINCE. - De grâce, digne fée n'attentez pas de la sorte à mes avantages personnels.


LA FÉE. - Que la reine se prononce.


LA REINE (hésitant). - Je le trouve charmant ainsi.


LA FÉE (à la reine). - Allons, je le vois, vous vous sentez assez de raison pour deux.


LA REINE. - J'ose l'espérer.


LA FÉE. - Retournez donc tous deux dans vos États ; je ne vous retiens plus.


LE PRINCE (à Églantine). - Si vous l'aviez voulu princesse.


LA REINE ABEILLE. Pas de légèretés, je vous prie vous savez que je suis jalouse.


(Ils disparaissent.)


LA FÉE. - Maintenant mes enfants, restons en famille et ne songeons plus qu'aux fêtes de votre mariage.



La toile se baisse.


FIN





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