THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

ESCRABOUILLO. - Tu dois le savoir ! Il est parti, puisque tu l'as laissé passer !


FÉROCINETTO. - Moi ! je ne l'ai pas vu !


ESCRABOUILLO. - Si tu ne l'as pas vu, c'est que tu dormais, et si tu dormais, c'est qu'il t'avait fait boire ; avoue-le.


FÉROCINETTO. - J'avoue que j'ai bu un peu, mais pas assez pour être étourdi comme je l'étais ; il aura mis quelque drogue dans le vin.


ESCRABOUILLO. - En tout cas, si Guignol n'est pas là, c'est qu'il est parti.


FÉROCINETTO. - Et s'il est parti, nous n'avons qu'à en faire autant, et vite ! Car il aura été tout droit avertir les gendarmes et nous allons être pincés.


ESCRABOUILLO. - Comme tu dis ! Alors, filons !


FÉROCINETTO. - C'est ça, filons ! (Ils vont pour sortir et s'arrêtent.) Entends-tu ?


ESCRABOUILLO. - Quoi ?


FÉROCINETTO. - Des hommes qui marchent, des bruits de fusils.


ESCRABOUILLO. - Ce sont nos camarades qui rentrent.


FÉROCINETTO, allant voir à la porte. Non ! Ce sont les gendarmes ! Nous sommes perdus ! Impossible de nous sauver, la maison est entourée. Nous n'avons plus qu'à nous cacher.


ESCRABOUILLO. - Oui, nous cacher ! mais où ça ?


FÉROCINETTO. - Il y a bien le grenier, mais ils nous verraient y monter. Ah ! la cave !


ESCRABOUILLO. - C'est ça, la cave ! (Il lève la trappe.) Derrière les tonneaux, on ne nous verra pas ! Allons, suis-moi et laisse retomber la trappe.


FÉROCINETTO. - Ah ! Guignol ! Si je te repince, tu me le payeras ! (Il descend dans la cave et laisse retomber la trappe.)



SCÈNE VII

GUIGNOL, UN GENDARME 

 


GUIGNOL. - C'est ici ! Vous avez bien mis des sentinelles partout ?

LE GENDARME . - 
Partout ! Et les hommes sont en train de visiter les chambres.


GUIGNOL. - Oh ! ils ne seront pas là ! Ils n'ont pas pu se sauver auparavant non plus. Il y en a un qui est ivre-mort et l'autre à moitié assommé. Ils vous auront vus venir et ils se seront cachés ! Ils ne peuvent être qu'à la cave ; là, ils seront pris comme dans une souricière. Le soupirail est-il gardé ?


LE GENDARME. - Il y a un homme de chaque côté.


GUIGNOL. - Bien ! Vous, placez-vous dans la cuisine de ce côté. Quand je vous appellerai, vous viendrez me prêter main-forte.


LE GENDARME, sortant par la gauche. - Sufficit !



SCÈNE VIII


GUIGNOL, puis FEROCINETTO 
 


GUIGNOL. - Ils sont là ! J'en suis sûr ! Si nous descendions à la cave, ils se défendraient et pourraient commettre encore quelque crime ; il vaut mieux y aller en douceur. (Il lève la trappe.) Ohé ! Férocinetto ! Escrabouillo ! Où êtes-vous ? Nous sommes trahis. Je viens vous chercher pour partir avec moi ! Les gendarmes sont dans la maison ; ils n'ont pas mis de sentinelle à la porte, nous pouvons encore nous sauver par là. Venez !


FÉROCINETTO, montrant sa tête. - Dis-tu vrai ? Tu nous trompes encore.


GUIGNOL. - Moi ! Tu vois, je suis seul ici. Allons, viens, dépêche-toi.


FÉROCINETTO. - Tu me trompes ! Et où étais-tu donc tout à l'heure ?


GUIGNOL. - Moi ! Tiens ! le vin m'avait monté à la tête, comme à toi, et j'étais allé me jeter sur mon lit ! Du reste, si tu ne me crois pas, reste, bonsoir ! moi, je me sauve !


FÉROCINETTO. - Allons, je me risque. (Il sort de la cave.) Et Escrabouillo...

GUIGNOL, fermant la trappe. 
Ah ! tant pis pour lui, il n'avait qu'à te suivre.


FÉROCINETTO. - Eh bien, filons, maintenant...


GUIGNOL. - C'est ça, filons ! (Il prend son bâton.) Mais auparavant nous avons un compte à régler ensemble. (Coups de bâton.) Tiens ! Je ne t'ai jamais remercié de m'avoir nommé capitaine ! Voilà mon remerciement !


FÉROCINETTO. - Ah ! Gredin ! Ah traître !


GUIGNOL, le battant. - Je ne t'ai jamais remercié de m'avoir appris le métier de brigand ! Tiens ! tiens ! Tiens ! Attrape ça !


FÉROCINETTO. - Aïe ! Aïe ! Aïe !


GUIGNOL, bastonnade. - Et pour que tu ne l'apprennes pas à d'autres, tiens ! le coup de grâce ! Cette fois, tu ne te relèveras plus ! (Il le tue.) Et d'un ! Maintenant, à l'autre.



SCÈNE IX


GUIGNOL, puis ESCRABOUILLO



GUIGNOL, levant la trappe. - Escrabouillo ! Escrabouillo !


ESCRABOUILLO, dans la cave. - Qui m'appelle ?


GUIGNOL. - C'est moi ! Guignol ! Je viens te demander pardon ! J'ai été trop vif. Mais je ne t'en veux pas, et la preuve c'est que je viens t'avertir que les gendarmes sont dans la maison ! Sors vite ! Nous allons filer ensemble.


ESCRABOUILLO, montrant la tête. Dis-tu la vérité ? C'est que je suis bien malade ! j'ai tous les membres brisés ! Ah! tu m'as joliment arrangé.


GUIGNOL. - Pourquoi aussi ne voulais-tu pas boire ? Allons, allons ! Dépêche-toi de sortir de la cave ! Attends, je vais t'aider. (Il le tire de la cave et ferme la trappe.)


ESCRABOUILLO. - Aïe ! Aïe ! Je n'ai pas une seule partie du corps qui ne soit sensible.


GUIGNOL. - Beaucoup plus sensible que ton âme, n'est-ce pas ?


ESCRABOUILLO. - Ah ! je t'en réponds ! Je ne sais pas comment je vais faire pour me sauver. 
 

GUIGNOL. - Dame, si tu ne peux pas courir, reste là.


ESCRABOUILLO. - Mais si je reste ici, ils me prendront. 
 

GUIGNOL. - C'est bien possible.
 

ESCRABOUILLO. - Comment faire ?
 

GUIGNOL. - J'ai un moyen ! Tu as confiance en moi, n'est-ce pas ?
 

ESCRABOUILLO. - Oui ! Oui !


GUIGNOL. - Eh bien ! je t'assure qu'ils ne te prendront pas vivant.


ESCRABOUILLO. - Que vas-tu faire ?


GUIGNOL. - Voilà ce que je vais faire ! Tiens ! (Il bat Escrabouillo qui crie, et finit par le tuer, puis il le roule avec son bâton.) Tu vois que je remplis bien ma promesse. On ne te prendra pas vivant ! Ouf ! je respire un peu maintenant. Prévenons le gendarme. Hé ? gendarme !



SCÈNE X


LES MÊMES, LE GENDARME



LE GENDARME . - Vous m'avez appelé ?


GUIGNOL, montrant les deux brigands. - Voilà votre besogne faite ! Emportez-moi ces deux gaillards-là.


LE GENDARME. - Je veux bien ! Je dirai que je les ai tués moi-même, ça me vaudra de l'avancement !


GUIGNOL. - Si vous voulez ! allez ! (Le gendarme emporte les deux brigands et sort.)

 


SCÈNE XI

GUIGNOL, puis GNAFRON entrant par la droite.



GUIGNOL. - Si je n'avais pas sauvé la vie à Gnafron, tout cela ne serait pas arrivé et je serais encore chef de brigands malgré moi ! Mais, où est-il ce brave ami ? Il avait pourtant tenu à accompagner les gendarmes.


GNAFRON, entrant. - Guignol ! Guignol ! Où es-tu ? Ah ! te voilà ! Que je t'embrasse ! Tu m'as sauvé la vie.


GUIGNOL. - Et toi aussi, vieux ! (Ils s'embrassent.)


GNAFRON. - Maintenant, c'est pas tout ça ! Je meurs de soif ! Tu comprends que j'ai joliment souffert de ne pas pouvoir boire au milieu des tonneaux derrière lesquels j'étais caché.


GUIGNOL. - Et tu as bien fait, car tu serais escoffié à l'heure qu'il est ! Eh bien, mon vieux, donne-moi le bras ; nous allons aller nous régaler à la ville, car il ne fait pas bon de boire le vin de l'auberge du «Mouton enragé !» (Ils se donnent le bras et sortent en chantant.)



RIDEAU

 


INDICATIONS

DÉCOR



Premier et second actes. — Une auberge (rustique). Portes à droite et à gauche. Sur la planchette du devant on fixe avec des charnières une petite trappe qui retombe en dedans. Quand on ouvre la cave, la planchette reste droite.



COSTUMES

GUIGNOL, costume traditionnel. 
FÉROCINETTO, costume de brigand.
ESCRABOUILLO, costume de brigand.
GNAFRON, costume traditionnel. 
LA COMTESSE, marquise. 
UN GENDARME, costume traditionnel. 


ACCESSOIRES 

 

Au second acte, buffet accroché à la coulisse de gauche. — Table sur la tablette. — Assiettes, verres, deux bouteilles, bâton. Pour le bruit de voiture on fera rouler par terre une bouteille.


Pour jouer cette pièce seul, placement des personnages.



MAIN GAUCHE .................... MAIN DROITE

ACTE PREMIER


                      Scène I. Férocinetto .................... Escrabouillo.

                     Scène II. Férocinetto .................... Guignol.

                        Scène III.                                 Guignol.

                          Scène IV. Gnafron .................... Guignol

                            Scène V. Gnafron

                          Scène VI. Gnafron .................... Férocinetto.

                         Scène VII. Gnafron

                       Scène VIII. Gnafron .................... Guignol.

 

ACTE II

                       Scène I. Férocinetto .................... Guignol.

                   Scène II.                                        Guignol.

                  Scène III. La Comtesse .................... Guignol.

                     Scène IV. Férocinetto .................... Guignol.

Scène V. Escrabouillo (Férocinetto

                                           évanoui) .................... Guignol.

                     Scène VI. Férocinetto .................... Escrabouillo.

                 Scène VII. Un Gendarme .................... Guignol.

Scène VIII. Férocinetto .................... Guignol.

                    Scène IX. Escrabouillo .................... Guignol.

                    
Scène X. Le Gendarme .................... Guignol.

                          Scène XI. Gnafron .................... Guignol.

 



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