MADAME MARCUCHET. - Mais...
GUIGNOL. - Enlevez belle maman ! (Ils entraînent madame Marcuchet qui crie :) Au secours !
LA MARIÉE, appelant. - Maman ! maman !
PIERROT, lui donnant un coup de bâton. - Veux-tu bien ne pas crier comme ça !
SCENE IV.
LA MARIÉE, MONSIEUR MARCUCHET, ROSETTE.
ROSETTE. - Où sont-ils ?
LA MARIÉE, courant à monsieur Marcuchet. - Ah ! Papa !
MONSIEUR MARCUCHET. - Un mot — un seul ! Es-tu mariée ?
LA MARIÉE. - Oui !
MONSIEUR MARCUCHET. - Trop tard !
ROSETTE. - Où est le maire ?
LE MAIRE, frappant à la porte du cabinet où on l'a enfermé. - Je suis là ! Ouvrez !
ROSETTE. - Qui êtes-vous ?
LE MAIRE. - Le maire !
ROSETTE. - Ah ! tu es là ! Attends. (À monsieur Marcuchet.) Prenez-moi ce bâton.
MONSIEUR MARCUCHET. - Est-il solide ?
ROSETTE. - Je le crois. (Elle va ouvrir.) Attention ! (Au maire.) Donnez-vous donc la peine de sortir.
LE MAIRE. - Trop aimable, chère madame. — Ouf ! je commençais à étouffer là-dedans.
ROSETTE, commandant. - Une, deux !
MONSIEUR MARCUCHET. - Feu partout !
(Ils rossent le maire.)
LE MAIRE. - Au secours ! à la garde ! à l'assassin !
ROSETTE. - Brigand ! Voleur ! Chenapan !
MONSIEUR MARCUCHET. - Mais réponds donc, si tu l'oses !
LE MAIRE. - Au secours !
(Il tombe sur le devant en criant.)
MONSIEUR MARCUCHET. - Et maintenant expliquons-nous. Pourquoi les as-tu mariés ?
ROSETTE. - Où est Polichinelle ?
MONSIEUR MARCUCHET. - Où est madame Marcuchet ?
LE MAIRE. - Mais je ne sais pas, je ne connais pas ces gens-là.
ROSETTE. - Comment ?
MONSIEUR MARCUCHET. - Que nous chante-t-il là ?
LE MAIRE. - Je ne chante pas, et même, je vous prie de croire que je n'en ai nulle envie, au contraire ; je dis seulement que je ne comprends rien à toutes vos questions.
MONSIEUR MARCUCHET. - Tu ne viens pas de marier ma fille ?
ROSETTE. - Avec mon mari ?
LE MAIRE. - Mais je n'ai marié personne, on m'avait enfermé là-dedans.
MONSIEUR MARCUCHET. - Ah ! Bah ! (À sa fille.) Ce n'est donc pas monsieur qui vous a mariés ?
LA MARIÉE. - Non !
MONSIEUR MARCUCHET, au maire. - Mille excuses alors. Nos coups de bâton se sont trompés d'adresse !
LE MAIRE, se frottant le dos. - Si vous pouviez me les reprendre.
ROSETTE. - Mais tout cela ne nous dit pas où se sont enfuis les autres.
MONSIEUR MARCUCHET. - Ni qui les a mariés.
GUIGNOL, passant sa tête par une fenêtre, dans le fond. - C'est moi.
ROSETTE. - Guignol !
MONSIEUR MARCUCHET. - Le témoin l
LE MAIRE. - Mon voleur !
GUIGNOL. - Pardon ! Pas de gros mots,... et écoutez ma proposition. Nous vous avons enfermés ; nous tenons madame Marcuchet en notre pouvoir ; nous vous proposons la paix !
ROSETTE. - Mon mari !
GUIGNOL. - Il est là ! Il n'attend que votre pardon !
ROSETTE. - Mais ce mariage...
GUIGNOL. - Une simple plaisanterie. Histoire de rire une heure ou deux !
ROSETTE. - Je pardonne.
MONSIEUR MARCUCHET. - Mais...
GUIGNOL. - Si vous n'acceptez pas, nous vous laissons mourir de faim ; et nous emportons au bout du monde madame Marcuchet.
MONSIEUR MARCUCHET. - Ma femme, ce me serait égal ! Mais mourir de faim... Non, je pardonne aussi !
GUIGNOL. - Et monsieur le maire !
LE MAIRE, solennellement. - La clémence est la vertu des grands !
GUIGNOL. Ra-ta-plan ! la paix est faite, j'ouvre.
(Il disparaît de la fenêtre.)
SCÈNE V.
TOUS LES PERSONNAGES.
ROSETTE, embrassant son mari. - Polichinelle !
POLICHINELLE. - Ma chère petite Rosette !
MADAME MARCUCHET, même jeu. - Monsieur Marcuchet !
MONSIEUR MARCUCHET. - Tout est arrangé.
GUIGNOL, lui serrant la main. - Je ne vous en veux plus.
MONSIEUR MARCUCHET. - Vous êtes bien bon ! Et maintenant pour fêter cet heureux dénouement, je vous invite tous à venir, chez moi, prendre part au repas que j'avais préparé. Monsieur le maire nous fera l'honneur d'y assister.
LE MAIRE. - J'accepte : les coups de bâton m'ont creusé.
MONSIEUR MARCUCHET. - Allons nous mettre à table !
GUIGNOL. - Bravo ! Si jamais j'écris une pièce de théâtre, je finirai comme cela. C'est le dénouement le plus intéressant et le plus vrai. Au rideau ! (Au public.) Ainsi finit la comédie !
Rideau.