THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

LE MARQUIS. - Savez-vous, Baronne, que voici un quart d‘heure qu‘il me tient compagnie et que je l‘ai pris pour un homme de qualité.

LA BARONNE. - Je vous en fais toutes mes excuses, Marquis.

LE MARQUIS. - Il ne m‘arrive pas souvent de causer avec des gens de rien, mais, quand cela m‘arrive, je sais au moins à qui je parle.

LA BARONNE. - Aurait-il été impertinent ?

LE MARQUIS. - Loin de là, Madame, puisque je l‘ai pris pour un gentilhomme de vos connaissances. Mais vous conviendrez que je sois peu flatté de m‘être entretenu avec lui en vous attendant. Vous me permettrez donc de décliner l‘invitation que vous m‘avez faite et de prendre congé de vous.

LA BARONNE. - Quoi, Marquis, vous vous fâchez ?

LE MARQUIS. - Je ne me fâche pas ! J‘ai pris ce jeune garçon pour un gentilhomme, mais il ne m‘a pas pris pour un domestique. Je vais aller retrouver les gens de mon monde où je ne serai pas exposé à me tromper aussi grossièrement, Madame la Baronne, je vous présente mes respects. (Il sort.)


SCÈNE XIV

LA BARONNE, seule.


Ah ! Voilà une aventure extraordinaire ! Nous voici fâchés avec le Marquis, à présent ! Et je le connais ! Il est si fier qu‘il ne reviendra pas ! Oh ! je vais chasser ce laquais ! Il a beau avoir une belle livrée, elle me coûte plus cher que si je l‘avais payée.


SCÈNE XV

LA BARONNE, LE BARON


LE BARON. - Où est-il, ce cher Marquis ! Que je suis heureux de le voir.

LA BARONNE. - Où est-il ? Il est loin ! Il ne vous a pas attendu.

LE BARON - Je ne comprends pas !

LA BARONNE. - Eh ! C‘est votre faute ! Aller se promener dans le parc quand on attend un invité.

LE BARON - Mais vous étiez là pour le recevoir.

LA BARONNE. - Je l‘ai reçu en effet ! Ah ! maudit laquais !

LE BARON - Que vient faire Polichinelle dans tout ceci ?

LA BARONNE. - Vous aviez bien besoin de renvoyer Antoine ! Toujours votre manie de gloriole.

LE BARON - Mais vous-même m‘avez approuvé.

LA BARONNE. - Est-ce que je pouvais supposer que le Marquis prendrait Polichinelle pour un gentilhomme ?

LE BARON. - Et c‘est pour cela qu‘il est parti ?

LA BARONNE. - Certainement ! Je lui ai fait des excuses, mais il n‘a rien voulu entendre. Quant à Polichinelle, je vais le renvoyer à l‘instant.

LE BARON. - Il me semble que ce n‘est pas sa faute !

LA BARONNE. - Prétendez-vous le défendre, maintenant ?

LE BARON. - Non, mais…

LA BARONNE. - Taisez-vous cela vaudra mieux !


SCÈNE XVI

Les mêmes, POLICHINELLE


POLICHINELLE. - Madame la Baronne est servie,.

LA BARONNE. - Approchez ici, mon garçon !

POLICHINELLE. - Que désire Madame la Baronne ?

LA BARONNE. - Je vous ai pris pour nous servir.

POLICHINELLE. - J‘en conviens, Madame la Baronne.

LA BARONNE. - Mais non pour tenir conversation avec nos invités.

POLICHINELLE. - Il est vrai, Madame la Baronne, mais je ne me serais jamais permis d‘adresser la parole à Monsieur le Marquis, s‘il ne m ‘avait interrogé et paru prendre plaisir à causer avec moi.

LA BARONNE. - Un laquais ne parle pas à un gentilhomme.

POLICHINELLE. - Je suis laquais, il est vrai, Madame, mais ce n'est pas ma faute si j‘ai l‘air d‘un gentilhomme.

LA BARONNE. - Pas d‘impertinence ! Vous allez faire votre paquet et déguerpir d‘ici avec votre camarade qui ne vaut pas mieux que vous. Venez, Baron, Antoine est encore au château ; nous le reprendrons et il nous servira bien mieux que ce laquais doré qui a tant de prétentions. (Le Baron et la Baronne sortent.)


SCÈNE XVII

POLICHINELLE.


Eh bien, ça n‘a pas été, long ! Comprend-on cette petite baronne, cette parvenue, qui se plaint d'avoir un valet distingué ! Mais il y a un grand nombre de belles dames qui seraient fières de m'avoir. Je ne suis pas embarrassé de me replacer et avec avantage. La vanité humaine n‘a pas encore dit son dernier mot. Avertissons Pierrot. (Il va l'appeler à la porte.) Pierrot !


SCÈNE XVIII

POLICHINELLE, PIERROT


PIERROT. - C‘est-il bientôt l‘heure de déjeuner ? Je meurs de faim.

POLICHINELLE. - Moi aussi, mais il ne s‘agit pas de cela. Nous sommes renvoyés.

PIERROT. - Déjà !

POLICHINELLE. - Oui ! Mais ne t‘inquiète pas, nous nous replacerons vite.

PIERROT. - Je m‘habituais pourtant ici, le vin est bon.

POLICHINELLE. - Il est aussi bon ailleurs. Tu vas faire nos paquets et glisser les bouteilles que tu as mises de côté. Il nous faut bien une compensation.

PIERROT. - Dis-moi, enfin, pourquoi l‘on nous a chassés ?

POLICHINELLE. - On ne nous chasse pas, mon cher Pierrot, on se prive de nous, ce qui n‘est pas la même chose. Quand les valets sont supérieurs à leurs maîtres, les maîtres sont jaloux et les éloignent, comprends-tu ?

PIERROT. - Oui. Au moins je suis sûr de ne jamais être séparé de toi.


RIDEAU
 


     La présente pièce a été écrite pour des marionnettes à tringles :
http://theatredemarionnettes.wifeo.com/les-marionnettes-a-tringle.php


     par Lemercier de Neuville :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Lemercier_de_Neuville

 

     D'autres pièces pour marionnettes de cet auteur sont visibles à partir de :
http://theatredemarionnettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

     Il faut préciser que L. Lemercier de Neuville a également écrit pour les ombres chinoises : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

 
 
 




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