THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

SCÈNE XIV

 

FLORVAL, BELMONT, POLICHINELLE


(Polichinelle entre en scène, un peu gris, Florval lui parle d‘un côté, Belmont de l'autre.)


FLORVAL. - Ah ! ah ! Te voici enfin !

BELMONT. - Le voici !

FLORVAL. - Pourquoi es-tu resté si longtemps ?

BELMONT. - Pourquoi ne revenais-tu pas ?

FLORVAL. - Tu n‘as donc pas vu le traiteur ?

BELMONT. - Et le maître à danser ? l‘as-tu vu ?

POLICHINELLE. - La, la ! Je ne puis pas répondre à tous deux à la fois.

FLORVAL. - Enfin parle !

BELMONT. - Parle !

POLICHINELLE, à Florval. - J‘ai vu le traiteur ! (À Belmont.) J‘ai vu le maître à danser.

FLORVAL. - Pourquoi n‘est-il pas venu ?

BELMONT. - Oui, pourquoi n‘est-il pas venu ?

POLICHINELLE. - Je ne sais pas ! J‘ai fait les commissions.

FLORVAL. - Les commissions ! (À Belmont.) Vous lui aviez donc aussi donné une commission

BELMONT, à Florval. - Sans doute ! Mais vous ! Vous vous êtes donc servi de lui ?

FLORVAL. - Assurément ! C‘est mon valet.

BELMONT. - C‘est le mien !

FLORVAL, à Polichinelle. - Tu entends. Eh bien voyons à qui es-tu ?

POLICHINELLE. - Eh bien, je vais vous dire la vérité, je suis à tous deux.

BELMONT et FLORVAL. - À tous deux !

POLICHINELLE. - Écoutez-moi donc ! Le métier de valet n‘est pas très productif ; jusqu‘à ce jour, je n‘y ai économisé que des coups de bâton. C‘est peu de chose. Aussi ai-je résolu de me procurer des honoraires plus productifs ; aussi ai-je pensé qu‘en servant deux maîtres à la fois mes profits seraient doublés. Je me suis donc engagé chez vous, Monsieur Florval et chez vous, Monsieur Belmont. Vous n‘avez ni l‘un ni l‘autre un grand train de maison, et j‘ai cru que je pourrais faire votre besogne à l‘insu l‘un de l‘autre. Mais voilà ! Je n‘avais pas pensé que vous me donneriez tous deux en même temps une commission dans la même maison, c‘est pour cela qu‘il y a eu confusion. J‘ai envoyé le traiteur chez Monsieur Belmont et le danseur chez Monsieur Flerval ; j‘avoue que c‘est une maladresse, mais enfin je vais réparer tout.

FLORVAL. - Avant tout, maître fourbe, il faut que tu te mettes dans la tête que tu ne peux servir deux maîtres à, la fois.

BELMONT. - Certainement !

FLORVAL. - Mais je vais te tirer d‘embarras ! Je te donne congé.

BELMONT. - Et moi aussi !

FLORVAL. - D‘abord, je ne veux pas d‘un valet qui se grise.

POLICHINELLE. - Oh ! Monsieur ! Je ne suis pas gris ! Je supporte très bien le vin.

FLORVAL. - Je le vois bien ! Tu le sens à plein nez !

POLICHINELLE. - C‘est le dernier verre qui n‘est pas encore descendu.

BELMONT. - Et où as-tu été boire ainsi ? Au cabaret ?

POLICHINELLE. - Fi ! Monsieur ! Je n‘y vais jamais ! Je vais vous raconter la chose. Je venais de faire vos deux courses et je revenais ici, quand je rencontrai dans la rue un vieil ami que je n‘avais pas vu depuis trois ans : un nommé Mascarille qui jadis était très estimé dans la livrée. Nous causons, et il me raconte qu‘il est maintenant son maître à lui et qu‘il a épousé Marinette, une soubrette piquante qui lui a apporté un assez gras magot. Il voulut me la présenter et m‘emmena chez lui où il me régala d’un excellent bourgogne qui venait disait-il, de la cave de ses anciens maîtres. Le fait est qu‘il était excellent et que nous en bûmes plusieurs bouteilles. C‘est ainsi que le temps a passé si vite ! Un ancien ami, vous comprenez, js ne pouvais pas lui refuser !

FLORVAL. - Eh bien, tu peux aller retrouver ton ancien ami et boire avec lui son vin à ton aise, pour moi, je ne veux plus de toi à mon service.

BELMONT. - Ni moi, au mien !

POLICHINELLE. - C‘est bien fâcheux ! Je m‘habituais déjà à vous !

FLORVAL. - Je le vois bien.

 

SCÈNE XV


Les mêmes, ROSINE

 

ROSINE. - Mon père, je viens d‘entendre votre conversation. Vous renvoyez Polichinelle. Eh bien, accordez-moi une grâce, à l‘occasion de mon mariage avec Belmont. Je ne crois pas que ce valet soit méchant, il n‘est qu‘étourdi. J‘espère qu‘il se corrigera. Quand je serai mariée, il ne fera plus de fautes, car il n‘aura plus qu‘un maître à servir, et ce maître ce sera moi. En même temps, tu diras à Tourteau qu‘il prépare un fin repas, nous irons dîner chez lui.

POLICHINELLE. - Oh ! Mademoiselle ! Comment vous remercier ?

FLORVAL. - La cause est entendue et gagnée, n‘est-ce pas ?

BELMONT. - Alors, va me chercher le maître à danser et ne te trompe pas.

FLORVAL. - En même temps, tu diras à Tourteau qu'il prépare un fin repas, nous iront dîner chez lui.

ROSINE. - Et si tu rencontres Mascarille...

POLICHINELLE. - J'ai compris, Mademoiselle, je lui dirai que je suis invité à dîner.

RIDEAU
 


     La présente pièce a été écrite pour des marionnettes à tringles :

(http://theatredemarionnettes.wifeo.com/les-marionnettes-a-tringle.php)

     par Lemercier de Neuville :
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Lemercier_de_Neuville),

     en mettant en scène Pierrot et Colombine  :
(http://theatredemarionnettes.wifeo.com/polichinelle-et-compagnie.php).

     D'autres pièces pour marionnettes de cet auteur sont visibles à partir de :
http://theatredemarionnettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

     Il faut préciser que L. Lemercier de Neuville a également écrit pour les ombres chinoises : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

 



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