POLICHINELLE. - Le croyez-vous ? En tout cas c‘est mon affaire. (Bruit de foule dans la coulisse.) Entendez-vous ! Voilà vos juges qui vous réclament.
PATAPOUM, à part. - Diable, il n‘est que temps ! (Haut) Sire, nous vous rendons nos portefeuilles.
POLICHINELLE. - C‘est peut-être un peu tard, mais je les accepte.
PATAPOUM, à part. - Filons !
DUTRÉSOR. - Filons !
FINACIER. - Filons !
POLICHINELLE. - Oui, ?lez ! Et par l‘escalier dérobé ! C‘est celui des mauvais ministres ! (Les ministres sortent.)
SCÈNE XVI
POLICHINELLE, puis PIERROT
POLICHINELLE. - Allez, Messieurs ! Moi je reste.
PIERROT. - Comment ! Tu n‘es pas plus ému que cela ! Je t‘admire. Mais tu ne sais pas que les portes du Palais sont fermées, que le peuple est dans tous les appartements, que, dans une minute, il sera ici ?
POLICHINELLE. - Eh bien ? Tu veux que comme tous les souverains, mes prédécesseurs, je me sauve et leur laisse la place. Je m‘en garderai bien ! Je connais trop la foule pour la redouter et puis j‘ai un moyen infaillible pour la calmer.
PIERROT. - Lequel ?
POLICHINELLE. - Je te le dirai tout à l‘heure, quand il aura réussi.
(Bruits et cris de la foule.)
PIERROT. - Vous entendez !
POLICHINELLE. - J‘entends bien, mais cela ne m‘émeut pas, tu vas voir.
SCÈNE XVII
Les mêmes, JOBARDOS.
JOBARDOS. - Sire ! Fuyez ! Le peuple vient de voter votre déchéance. Il s‘est établi un gouvernement provisoire et est en train de choisir votre successeur.
POLICHINELLE. - Mon ami, tu m‘as déjà rendu un service en me disant la vérité. Tu vas m‘en rendre un autre.
JOBARDOS. - Avec plaisir, car vous n‘êtes pas ?er.
POLICHINELLE. - Eh bien, tu vas me conduire au milieu de tes amis et tu me laisseras faire ensuite. Je connais le peuple et je vais lui parler.
JOBARDOS. - Venez, Sire, venez ! Car les moments sont précieux. (Jobardos et Polichinelle sortent.)
SCÈNE XVIII
PIERROT.
Je n‘y comprends plus rien ! Qu‘est-ce que Polichinelle veut faire ? Pourvu qu‘on ne l‘assassine pas ! Dans les moments d‘émeute, on ne peut répondre de rien. C‘est que, moi aussi, je ne suis pas en sûreté ! Si je m‘en allais ? - Non ! Je ne puis abandonner Polichinelle qui a toujours été si bon pour moi. Écoutons ! Je n‘entends plus rien ! Sont-ils partis ? L‘émeute est-elle calmée ? Je ne m‘explique pas ! Ah ! des murmures et des exclamations. Qu‘entends-je ? des cris : Vive Polichinelle ! Que signi?e ? (Cris dans la coulisse : Vive Polichinelle.)
SCÈNE XIX
PIERROT, POLICHINELLE
POLICHINELLE. - Le tour est joué !
PIERROT. - Explique-moi... ?
POLICHINELLE. - Voici ! Comme ils étaient en train de chercher un personnage pour me remplacer, j‘ai mis un faux nez et je me suis présenté comme étant mon neveu. Cela a commencé par éloigner les candidatures populaires. Je leur ai promis tout ce qu‘ils ont voulu et ai fait valoir l‘illustration de ma maison. Ils ont convenu avec moi que les Polichinelles étaient de race royale. Aussitôt toute hésitation cessa, on convint qu‘un Polichinelle en valait bien un autre, et même valait mieux puisqu‘on ne le connaissait pas encore. Alors, on a passé les urnes et j‘ai été nommé à une effrayante majorité.
PIERROT. - Brave Patron !
POLICHINELLE. - J‘y suis allé de mon petit discours, mais ça m‘a beaucoup fatigué et je ne serais pas fâché de prendre mon sixième repas.
PIERROT. - Votre Majesté est servie !
(Rideau.)
La présente pièce a été écrite pour des marionnettes à tringles :