THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

PIERROT. - Ah Colombine ! Ma chère Colombine ! Mais vous qui me parlez, Madame, qui êtes vous ?

LA FÉE. - Je suis la fée protectrice de ta ?ancée. C‘est de moi d‘où dépend votre bonheur. Aussi faut-il m‘écouter et m‘obéir.

PIERROT. - Que faut-il faire ?

LA FÉE. - Il faut d‘abord avoir confiance en moi. Colombine va rester ici, et toi, tu vas me suivre, nous allons chercher tous les invités que tu as conviés à ta noce. puis nous reviendrons ici.

PIERROT. - Je ferai ce que vous voudrez, puisqu‘il s‘agit de mon bonheur.

LA FÉE, à Colombine, à part. - Pour toi, tu vas attendre ici Polichinelle qui va revenir furieux de n‘avoir plus retrouvé son bâton. Il faudra donc tenir bon et exiger de lui ce que tu lui as imposé.

COLOMBINE. - Je comprends : pas de bâton, pas de mariage !

LA FÉE. - Mais tu ne discuteras pas longtemps, car je reviendrai de suite et s‘il devenait trop exigeant, je saurais bien le calmer.

COLOMBINE. - Merci, bonne fée.

LA FÉE. - Allons, viens avec moi, Pierrot, et ne crains rien, tu es avec une protectrice qui ne t‘abandonnera pas.
(La Fée et Pierrot sortent.)


SCÈNE X

COLOMBINE.
 

     Enfin ! me voici au bout de mes peines. Polichinelle n‘a plus de pouvoir sur moi. Je ne le crains plus ! Il y a cependant un assaut à soutenir. Comment a-t-il pris la disparition de son bâton ? Que va-t-il me dire ? Il ne peut m‘accuser, puisque je suis restée ici ? Il ne peut soupçonner Pierrot qui était changé en statue, en?n, il ignore l‘existence de la fée ? Sur qui vont retomber ses soupçons ? Il ne s‘attendait guère à ce coup-là ! De plus il ignore la mort de Maugis ; il voudra peut-être recourir à lui, mais ce sera en vain, le sorcier est maintenant impuissant ! Oh ! je l‘entends ! Il est furieux ! Que va-t-il dire ? Que m‘importe ! Il ne me fait plus trembler !


SCÈNE XI


COLOMBINE, POLICHINELLE.


POLICHINELLE, entrant furieux. - On m‘a pris mon bâton ! On m‘a pris mon bâton ! On m‘a pris mon bâton !

COLOMBINE. - Qu‘avez-vous ? Vous semblez furieux.

POLICHINELLE. - On m‘a pris mon bâton ! Ah ! si je savais qui ? C‘est toi peut-être ?

COLOMBINE. - Moi ? D‘abord je n‘ai pas bougé d‘ici, ensuite je n‘avais pas besoin de le prendre puisque vous étiez allé le chercher pour me le remettre.

POLICHINELLE. - C‘est vrai ! Ah si je tenais le voleur !

COLOMBINE. - Est-ce donc une perte si grande ? un bâton !

POLICHINELLE. - Ah ! c‘est que celui-là n‘était pas comme les autres.

COLOMBINE. - Vraiment ! contez-moi ça ?

POLICHINELLE, à part. - Imprudent ! J'allais livrer mon secret. (Haut) J‘y tenais beaucoup, voilà. Je te l'ai dit, c‘était un vieil ami, on ne se sépare pas sans peine de ses amis.

COLOMBINE. - On en fait d‘autres ! Le seul ennui pour vous est que ce bâton était le gage de votre union avec moi.

POLICHINELLE. - Oh ! puisqu‘on me l‘a volé, tu n‘exigeras pas...

COLOMBINE. - Cela ne me regarde pas ! J‘ ai dit : donnant donnant. Et si vous ne me donnez pas le bâton, je ne vous donnerai pas ma main.

POLICHINELLE. - Ah ! par exemple ! Cela est trop fort ! Eh bien je te promets, moi, que je t‘épouserai et si ce n‘est pas de bonne volonté ce sera de force.

COLOMBINE. - Aimable caractère.

POLICHINELLE. - Je suis comme cela ! Du reste, mon caractère te plaît, tu me l‘a dit, et puis personne ne peut te protéger, pas même Pierrot que j‘ai changé en statue.

COLOMBINE. - Regardez donc où elle est la statue ?

POLICHINELLE. - Que vois-je ? Elle n‘y est plus ! Que signifie ? Qui l‘a portée ailleurs ?

COLOMBINE. - Personne ! Elle est partie d‘elle-même !

POLICHINELLE, s'oubliant. - Cependant, mon talisman.

COLOMBINE. - Ah ! votre bâton était un talisman ! Je ne sais quoi me le disait.

POLICHINELLE. - Qu‘importe ! J‘en. aurai un autre, j‘irai le demander à Maugis.

COLOMBINE. - Il est mort !

POLICHINELLE. - Maugis est mort ! Ah ! Tout est perdu. (On entend dans le couloir une musique et des chants). Qu‘est-ce que cela ?


SCÈNE XII


POLICHINELLE, COLOMBINE, PIERROT, LA FÉE, Les invités.



LA FÉE. - Cela, Polichinelle, ce sont les invités de la noce de Pierrot et de Colombine. Voici Pierrot, le prétendu qui vient chercher sa ?ancée, Colombine, et tout le monde va se rendre chez le bailli qui va les unir.

POLICHINELLE. - C‘est à moi quelle a promis sa main.

LA FÉE. - Contre le bâton. - Où est-il le bâton ?

POLICHINELLE. - Ah ! je suis joué ! C‘est vous qui me l'avez pris !

LA FÉE. - Et moi qui l‘ai détruit ! Tu as eu recours à un sorcier, Polichinelle ; Colombine s‘est adressée à une bonne fée, elle a eu raison. Le bien est toujours vainqueur du mal. Résigne-toi, mon garçon, et si quelque jour tu choisis une femme, il faudra mieux t‘adresser à moi. Maintenant, mes amis, allons chez le bailli.
(Un cortège se forme, à la tête duquel se mettent Pierrot et Colombine, il fait le tour du théâtre en chantant et passe devant Polichinelle accablé.)


Air : Le Corbeau ou Ah mon Beau Château.

I
     Dansons, mes amis,
C‘est aujourd’hui jour de fête,
     
Dansons mes amis,
Aujourd‘hui tout est permis !
     
Colombine a mis
Sa plus charmante toilette,
     
Sans or, ni rubis,
Mais sa grâce en fait le prix !


II
     Tout à l‘heure on va

L‘accompagner à l’Église.
     
On la mariera
Avec Pierrot que voilà.
     
Tous deux ont déjà
Le teint couleur de cerise ;
     
Ça se passera
Mais leur amour durera.
(Reprise des quatre premiers vers du premier couplet.)

POLICHINELLE. - Oh ! voir cela passer devant moi ! Et n‘avoir plus mon bâton !

(Rideau)
 


     La présente pièce a été écrite pour des marionnettes à tringles :
(http://theatredemarionnettes.wifeo.com/les-marionnettes-a-tringle.php)

     par Lemercier de Neuville :
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Lemercier_de_Neuville),

     D'autres pièces pour marionnettes de cet auteur sont visibles à partir de :

http://theatredemarionnettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

     Il faut préciser que L. Lemercier de Neuville a également écrit pour les ombres chinoises : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php

 
 
 



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