THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

PIERROT. — Oh ! Polichinelle sensible ! Écoute mon plan. Je prendrai les habits d'Arlequin, tu t'habilleras en domestique. Nous retournerons chez Cassandre, il me donnera sa fille en mariage, et nous aurons les euros.


POLICHINELLE. — C'est très bien, tu es plein d'invention ! (On entend la voix du Porc : Rrrff, rrrff !) Eh ! voici quelqu'un ! il est temps le décamper !


PIERROT. — En route !

     (Ils sortent. le Porc entre, et fouille violemment l'endroit où est enterré Arlequin : Rrrff, rrrff ! Il déterre peu à peu celui-ci, qui revient à la vie.)


ARLEQUIN. — Oh ! mon bon petit Rrrff, rrrff, tu m'as sauvé la vie !


LE PORC. — Rrrff, rrrff !


ARLEQUIN. — Nous sommes amis jusqu'à la mort désormais ! (Il l'embrasse.)


LE PORC. — Rrrff, rrrff !


ARLEQUIN. — Tu as vu les scélérats ?

LE PORC. — Rrrff, rrrff !


ARLEQUIN. — Tu peux témoigner contre eux ?


LE PORC. — Rrrff, rrrff.


ARLEQUIN. — Alors, tu vas m'accompagner chez Cassandre, et tu diras ce que tu as vu ?


LE PORC. — Rrrff, rrrff !


ARLEQUIN (le saisissant par la queue et l'entraînant.) Alors, viens !


LE PORC (avec détresse.) Rrrrrfff ! rrrrffff ! !



TROISIÈME PARTIE

LA CUISINE DE CASSANDRE.



SCÈNE PREMIÈRE.

POLICHINELLE ET PIERROT, déguisés.



POLICHINELLE. — Pierrot, suis-je bien déguisé ?


PIERROT. — Oui, tu as l'air d'un cocher de grande maison. Et moi, crois-tu qu'on me reconnaîtra ?


POLICHINELLE. — Oh ! toi, tu ressembles toujours à un filou !


PIERROT. — Insolent !


POLICHINELLE. — Oh ! que ces casseroles sentent bon ! (Il met son nez dans les ustensiles de cuisine.)


PIERROT. — Chut ! tiens-toi bien, voici Colombine ! (Colombine entre.)


COLOMBINE (se précipitant vers Pierrot.) — Oh ! mon cher Arlequin !


PIERROT. — Je reviens pour vous épouser.


POLICHINELLE (prenant la coiffure de Colombine, où il y a des fruits.) Oh mais, c'est bon à manger, c'est un potager !


COLOMBINE (se dégageant.) — Quel vilain domestique ! (Elle lui menace la figure d'une lardoire. — Pierrot regarde dans les marmites.)


POLICHINELLE (tournant le dos.) — Oh ! elle veut me crever les yeux ! (Elle le pique au dos.) Aïe ! elle me larde, elle veut me truffer !

     (Il se sauve de l'autre côté vers une casserole.)


COLOMBINE. — Papa, papa, voilà Arlequin !


PIERROT. — Arlequin lui-même !


POLICHINELLE. — Le plus vrai des Arlequins ! (Cassandre entre.)



SCÈNE II.

COLOMBINE, PIERROT, POLICHINELLE, CASSANDRE.



CASSANDRE (saluant.) Alors, on va signer le contrat !

     (Pierrot et Cassandre se saluent à outrance. — Polichinelle se prend le nez dans une armoire.)


POLICHINELLE. — Oh ! oh ! mon nez !


COLOMBINE. — Quel imbécile !

     (Elle veut le piquer, il prend une casserole et se défend.)


CASSANDRE. — Je vais chercher ma plume ! (Il sort.)


 


SCÈNE III.

COLOMBINE, PIERROT, POLICHINELLE.



PIERROT (tapant sur Polichinelle avec une autre casserole.) Eh bien ! coquin, tu manques de respect à Mademoiselle ?

     (Polichinelle, piqué, battu, ballant et criant : Oh ! aïe ! aïe ! court partout et se fourre dans l'armoire. — Cassandre rentre avec sa plume.)



SCÈNE IV.

COLOMBINE, PIERROT, CASSANDRE.


CASSANDRE. — Nous allons signer le contrat ! (La voix d'Arlequin au dehors :) Attendez, attendez ! (Le Porc crie : Rrrff, rrrft !)


PIERROT (qui tient la main de Colombine, la lâche.) — Diable ! voilà Arlequin ! (Il va se cacher dans l'armoire. — Entrent Arlequin, puis le Porc.)



SCÈNE V.

CASSANDRE, COLOMBINE, ARLEQUIN, LE PORC.



CASSANDRE. — Eh bien ! ils sont donc changés ? Il y avait un Arlequin là tout à l'heure, en voici un second, (allant au Porc) et un troisi... non, celui-ci n'en est pas un !


COLOMBINE. — Ah ! c'est Arlequin ! (Elle tombe dans ses bras.)


ARLEQUIN. — Mais laissez-moi donc parler ! J'amène ici le...


CASSANDRE. — Je ne m'y reconnais plus du tout. Il faut que j'aille chercher mes lunettes ! (Il sort.)



SCÈNE VI.

ARLEQUIN, COLOMBINE, LE PORC.



ARLEQUIN. — J'ai là le témoin d'un crime commis sur moi ! (Pierrot ouvre l'armoire, saisit le Porc par la queue, l'attire à lui et referme la porte.) Eh ! bon Dieu ! il est donc parti ? (Il cherche partout.)


COLOMBINE. — Qui donc ?


ARLEQUIN. — Mon ami !

     (Pendant qu'ils cherchent et quand ils passent près de l'armoire, Polichinelle les tape avec une casserole.)


COLOMBINE. — Oh ! là, là ! Tu me bats, Arlequin ?


ARLEQUIN. — Et toi, tu me tapes ?

     (Entre Cassandre arec ses lunettes ; il reçoit un coup de casserole et crie : Oh ! — Les deux autres sautent en l'air, en criant aussi, et tous trois se sauvent. — Aussitôt Pierrot et Polichinelle sortent de l'armoire avec le Porc coupé et salé.)



SCÈNE VII.

PIERROT, POLICHINELLE (mangeant.)


PIERROT. — Vite, vite ! enterrons celui-ci dans notre estomac : les morts ne reviennent plus !


POLICHINELLE. — Ah ! j'étouffe ! Tu n'en manges pas tant que moi ! J'ai soif ! Est-ce qu'il faudra aussi manger Arlequin, après ?


PIERROT. — Tais-toi ! avale, avale ! tu as le ventre grand ! Allons, allons ! fais disparaître ce misérable ennemi dans tes bosses !


POLICHINELLE. — Mais je gonfle, je crève.


PIERROT. — Avale, avale ! il en reste encore, malheureux ! (Entrent Cassandre et Arlequin.)



SCÈNE VIII.

PIERROT, POLICHINELLE, CASSANDRE, ARLEQUIN.



CASSANDRE. — Enfin, votre témoin a disparu !


ARLEQUIN. — Ah ! voilà ce qu'il en reste ! (Il montre la queue.)


POLICHINELLE (le battant.) — Freluquet, qu'est-ce que tu dis ?


PIERROT (id.) — Museau noir, de quoi te mêles-tu ?


CASSANDRE. — Lequel est le vrai Arlequin, à la fin ?


PIERROT — Moi !


ARLEQUIN. — Moi !


POLICHINELLE. — Moi !


PIERROT (le battant.) — Va-t-en, toi !


CASSANDRE. — Le vrai Arlequin est celui qui m'apportera le plus d'argent. Arrangez-vous. (Il sort.)


SCÈNE IX.

ARLEQUIN, PIERROT, POLICHINELLE.



ARLEQUIN (désolé.) — Je n'ai pas le sou !


PIERROT. — Ni moi !


POLICHINELLE. — Ni moi !


ARLEQUIN. — Canailles ! (Bataille de casseroles, cris. — Arlequin s'enfuit.)



SCÈNE X.

PIERROT, POLICHINELLE.



POLICHINELLE. — Comment faire pour avoir de l'argent ? (Une voix crie : Ferraille à vendre !)


PIERROT. — Attends ! Eh ! la ferraille !


LA VOIX. — Voilà ! (Entre le marchand.)



SCÈNE XI.

PIERROT, POLICHINELLE, L'AUVERGNAT.



L'AUVERGNAT. — Voilà, bourgeois, quèche que vous javez à vendre ?


PIERROT. — Ma batterie de cuisine !


L'AUVERGNAT — Elle est belle, vochtre batterie de cuisine !


PIERROT. — Combien en donnes-tu ?


L'AUVERGNAT — Chent jeuros comme un liard.


POLICHINELLE (le tapant avec une casserole.) — Tiens, emporte !


PIERROT. (id.) — Emporte !... emporte !


L'AUVERGNAT. — Eh ! là ! Les jamis !


PIERROT. — Paye !


L'AUVERGNAT. — Voilà chent jeuros !


POLICHINELLE (le coiffant d'une casserole.) — Décampe !

     (L'auvergnat sort en se cognant partout.)


PIERROT. — Eh ! père Cassandre, voilà des écus !

     (Entre Cassandre avec la plume et les lunettes, puis Arlequin.)


 




Créer un site
Créer un site