THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

LA TRAGÉDIE D'ARLEQUIN
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55103720/f8.image.r=louis%20edmond%20duranty

Louis-Émile-Edmond Duranty

1880 - domaine public


PERSONNAGES

CASSANDRE.
COLOMBINE.
PIERROT.
ARLEQUIN.
POLICHINELLE.
LE MARCHAND DE FERRAILLE
LE GENDARME.
LE PORC.
LA SAUCISSE.
L'ANDOUILLE.


 

PREMIÈRE PARTIE

Un salon à deux fenêtres.

SCÈNE PREMIÈRE.

CASSANDRE, COLOMBINE.


CASSANDRE. — Ma fille, voici trois jeunes gens qui veulent t'épouser, tu choisiras entre eux : ce sont monsieur Polichinelle, qui est un vaurien ; monsieur Pierrot, qui ne vaut pas grand chose ; et monsieur Arlequin, qui ne vaut guère mieux. Comme il n'y en a pas de préférables, choisis, je te laisse. (Il sort. — Entre Polichinelle avec un morceau de jambon.)



SCÈNE II.

COLOMBINE, POLICHINELLE.


POLICHINELLE (lui fourrant le jambon sous le nez.) Acceptez cette nourriture et mon cœur.


COLOMBINE (le battant avec le jambon.) Garde tes cadeaux, vilain goinfre !


POLICHINELLE (reculant en reprenant son jambon.) Oh ! là, là, que je suis malheureux !
(Pierrot se précipite vers Colombine avec une bouteille, et la lui met sous le nez.)



SCÈNE III.

COLOMBINE, PIERROT, POLICHINELLE (à l'écart et secouant le jambon.)


PIERROT. — Recevez un excellent mari et une liqueur parfaite.


COLOMBINE (le tapant avec la bouteille.) Va-t'en, ivrogne !


PIERROT. — Oh ! ne la cassez pas !


(Il reprend la bouteille. — Colombine voit Arlequin en dehors à la fenêtre et va vers lui ; il disparaît pendant cela.)


PIERROT. — Polichinelle, nous nous consolerons par un bon déjeuner !


POLICHINELLE. — Laisse-moi tranquille !


(Il le pousse avec son échine.)


PIERROT. — Ours !


(Ils se battent. Entre Arlequin avec un gros bouquet de pissenlits. À sa vue, ils s'arrêtent et gesticulent.)


SCÈNE IV.

COLOMBINE, ARLEQUIN,

PIERROT ET POLICHINELLE (à l'écart et mécontents.)



ARLEQUIN (mettant son bouquet dans la figure de Colombine.) Je vous aimerai bien !


COLOMBINE. — C'est lui qui sera mon mari !

POLICHINELLE. — Ce mirliflore ! (Il tape Arlequin avec le jambon.)


ARLEQUIN (croyant le frapper, tape Colombine avec le bouquet.) Attrape, Polichinelle !

COLOMBINE
 (se frottant.) À la garde !


PIERROT. — Ce muguet ! (Il tape Arlequin avec la bouteille.)


ARLEQUIN (même jeu qu'avec Polichinelle.) Attrape, Pierrot !


COLOMBINE. — À la garde ! Je suis morte ! (Elle s'évanouit.)


LA VOIX DU GENDARME. — Eh bien ! eh bien ! quel train ! nous allons tous les pendre !


PIERROT. — Polichinelle, entends-tu, on va nous pendre !

(Arlequin regarde à la fenêtre.)


POLICHINELLE (la main à son cou.) — Couic !... sauvons-nous ! (Ils se sauvent. Arlequin revient à Colombine. — La tête du Gendarme à la fenêtre.)



SCÈNE V.

COLOMBINE, ARLEQUIN, LE GENDARME.



LE GENDARME. — Eh bien ! est-ce fini tout ce train-là ?


ARLEQUIN. — Ce n'est rien, nous jouions à cache-cache.


LE GENDARME. — Ne criez plus si fort une autre fois, sinon...


ARLEQUIN (le frappant avec le bouquet.) — Mais tu nous ennuies !


?LE GENDARME. — Ah ! quelle salade ! (Il disparaît.)



SCÈNE VI.

ARLEQUIN, COLOMBINE.


ARLEQUIN (secouant Colombine.) Elle se trouve mal, et il n'y a pas de vinaigre dans cette salade ! Allons, réveille-toi. (Il la tape avec le bouquet.) Elle est morte ! Hé ! père Cassandre !

LA VOIX DE CASSANDRE. — Eh bien ?


ARLEQUIN. — Votre fille ne peut plus se marier.


LA VOIX. — Pourquoi donc ça ? qu'est-ce qui l'en empêche ?


ARLEQUIN. — Elle est morte ! (Arrive Cassandre.)



SCÈNE VII.

ARLEQUIN, COLOMBINE, CASSANDRE.



CASSANDRE. — Ah ! coquin, tu l'as tuée !


ARLEQUIN. — Non ! Vite de l'eau ! elle ressuscitera. (Ils cherchent de l'eau.)


CASSANDRE. — Ah ! en voici. (Il prend un seau et le verse sur la tête de Colombine.)


COLOMBINE. — Oh ! oh ! non, non, je ne veux pas me baigner !


CASSANDRE. — Eh bien, viens chercher le contrat, puisque tu n'es plus morte ! (Ils sortent, laissant Arlequin.)



SCÈNE VIII.


ARLEQUIN (dansant et chantant) 

La boulangère a des écus, etc.


     (Pierrot à une fenêtre. — Polichinelle à l'autre.)


 


SCÈNE IX.

PIERROT, POLICHINELLE, ARLEQUIN.



PIERROT. — Hé ! Arlequin ! (Arlequin se tourne vers lui.)


POLICHINELLE. — Mon petit Arlequin ! (Arlequin se retourne de son côté.)


PIERROT. — Veux-tu venir déjeuner avec nous ?


ARLEQUIN. — Qu'est-ce que vous avez pour déjeuner ?


POLICHINELLE. — Un jambon de mille livres.


ARLEQUIN. — Oh ! oh !


PIERROT. — Une tonne de ratafia.


ARLEQUIN. — Oh ! oh ! j'en suis.

     (Tandis qu'ils disparaissent tous trois, entre Cassandre avec une énorme plume.)



SCÈNE X.

LES PRÉCÉDENTS, CASSANDRE.



CASSANDRE. — Nous allons signer le contrat. Eh bien ! où est-il ce polisson ? Il est parti ! (Colombine entre.)


SCÈNE XI.

COLOMBINE, CASSANDRE.



COLOMBINE. — Il va revenir !


CASSANDRE. — Est-ce qu'il a la colique ? Oh ! oh ! je ne veux pas de ça, tout est rompu !


COLOMBINE. — Mais, papa...


CASSANDRE. — Tu raisonnes, attends ! (Il la bat.)


COLOMBINE. — Oh ! Là, là ! Arlequin !...


SECONDE PARTIE

UNE FORÊT

 

ARLEQUIN, placé entre PIERROT et POLICHINELLE, armés de bâtons.


 

POLICHINELLE (caressant Arlequin avec son bâton.) Mon bon petit Arlequin !


PIERROT (id.) — Le joli petit Arlequin ! Joli, joli.


POLICHINELLE (id.) — Vois-tu le jambon ?


ARLEQUIN. — Où donc ?


PIERROT (id.) — Et le ratafia, le vois-tu ?


ARLEQUIN. — Où donc ?


POLICHINELLE (id.) — Comme tu vas te régaler !


PIERROT (id.) - — Tu vas bien déjeuner !


ARLEQUIN. — Je ne vois pas le jambon.


POLICHINELLE (le frappant.) — Tiens, le voilà !


ARLEQUIN. — Oh ! là, là ! Et le ratafia ?


PIERROT (le frappant.) — Le voici !


ARLEQUIN. — Oh ! là, là !


POLICHINELLE (le battant.) — Jambon.


PIERROT (id.) Ratafia.


POLICHINELLE (id.) — Jambon.


PIERROT (id.) — Ratafia.


POLICHINELLE (id.) — Jambon.


PIERROT (id.) — Ratafia, fia, fia ! Je crois que nous l'avons tué !


POLICHINELLE. — Il faut l'enterrer, alors. Lui achèterons-nous un terrain ?


PIERROT. — Celui-ci ne coûte rien.


POLICHINELLE. — Allons, creusons vite ! (Ils creusent le sol, puis enterrent Arlequin.) Oh ! le pauvre Arlequin, il était si gentil !


 




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