TROISIÈME PARTIE
LA PLACE DUPLIQUE.
PIERROT (armé d'un bâton.) — Il me poursuivait. Il va arriver et je lui témoignerai ma satisfaction. (Entre le premier Avocat.)
PREMIER AVOCAT. — Ah ! coquin, je te retrouve. Tu veux te soustraire à ta condamnation et me déshonorer. Tu es condamné à la pendaison ! Mais si tu veux me donner vingt-mille francs, nous irons en appel et je te sauverai.
PIERROT. — Mais je veux te récompenser de tes bons offices.
PREMIER AVOCAT. — À la bonne heure ! tu as compris que l'Avocat n'est pas le maître du jugement,
PIERROT. — Je te traiterai si bien que tu ne désireras plus plaider de ta vie et te réjouiras de n'avoir plus à faire cette besogne fastidieuse !
PREMIER AVOCAT. — Ô clientus bonus ! jus est hominis salus.
PIERROT. — Oui, jus ! jus de bâton ! (Le battant.) Tiens, plaide ! plaide tout ton saoul.
PREMIER AVOCAT. — Malheureux !
PIERROT (le battant.) — Plaide et plaideras-tu ? Tiens, nous sommes ici en cassation... de tête...
PREMIER AVOCAT (s'enfuyant.) — Ah ! le bandit !
PIERROT. — Peste soit du drôle ! Si sa rage n'est pas passée ! il a le plaidoyer bien enraciné.
(Entre madame Bégriche.)
MADAME BÉGRICHE. — Le misérable !
PIERROT.— Qui cela ?
MADAME BÉGRICHE. — Un Avocat ! un Avocat qui me force à plaider et qui me fait condamner à la pendaison.
PIERROT. — Comme moi !
MADAME BÉGRICHE. — On me tue mon Perroquet !
PIERROT. — Et moi mon Chat !
MADAME BÉGRICHE. — C'est vous qui avez tué mon Perroquet !
PIERROT. — Et vous mon Chat, à ce qu'il m'a dit,
MADAME BÉGRICHE. — Je jure que non !
PIERROT. — Les fourbes ! je n'ai jamais touché à votre Perroquet.
MADAME BÉGRICHE. — Je l'attends. Il me suit, pour réclamer ses honoraires.
PIERROT. — Qui ? votre Perroquet ?
MADAME BÉGRICHE — Non, l'Avocat.
PIERROT. — Prenez un bâton et nous allons l'honorer fortement.
(Madame Bégriche prend un bâton. — Entre le deuxième Avocat.)
DEUXIÈME AVOCAT. — Ah ! Madame, je vous trouve ; veuillez me payer.
MADAME BÉGRICHE (se jetant sur lui.) — Tu ne péroreras plus !
(Elle le bat. — Pierrot et elle assomment l'Avocat qui reste sur le carreau ; puis ils sortent. — Le premier Avocat entre.)
DEUXIÈME AVOCAT. — Ah ! mon confrère, je suis moulu, et le Commissaire a gardé la bête.
PREMIER AVOCAT. — Il a tout gardé ? Je renonce au métier.
DEUXIÈME AVOCAT. — C'est votre folie de bavarder qui a amené tout ceci.
PREMIER AVOCAT. — Je ne suis point de bonne humeur, prenez garde !
DEUXIÈME AVOCAT. — Vous m'avez fait rouer de coups.
PREMIER AVOCAT. — Eh ! j'en ai eu ma part !
DEUXIÈME AVOCAT. — Eh bien ! vous l'aurez double.
(Il le bat. — Grande bataille. — Ils se tuent tous deux.)
FIN