THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

BRUSCAMBILLE, à part- Il sait tout !...

FILOUTARD. - Et tu me disais : « Mon vieux, nous sommes les plus anciens de la bande... partageons fraternellement et fuyons ce pays maudit !... » Hélas ! c'était un rêve !

BRUSCAMBILLE, à part. - Pas moyen d'esquiver... (Haut.) Eh ! mais, mon cher Filoutard ! si ton rêve se réalisait...

FILOUTARD, feignant l'étonnement- Comment ?

BRUSCAMBILLE. - J'ai trouvé, en effet, un sac... un vrai sac, contenant, comme dans ton rêve, une somme assez grassouillette, et... comme dans ton rêve... je te dis: « Mon vieux Filoutard, partageons ! » — Je l'ai mis là... tiens ! (Il cherche.) Saperlipopette, il n'y est plus... on me l'a pris... ah !


FILOUTARD, riant. - Ah ! Ah ! Ah ! tu n'as pas bien fermé ta caisse... par bonheur, on est bon camarade... tu avais mal caché le trésor, je l'ai mis en sûreté... Une retraite introuvable... (Il cherche.) Diantre ! il a disparu... Bruscambille, tu l'as déterré... donne-moi ma moitié, ou sinon !...

BRUSCAMBILLE. - Des menaces... quand tu m'as volé ! Rends-moi mon sac, gredin !

FILOUTARD. - Traître ! je te ferai rendre gorge ! (Ils se battent.)

GUIGNOL, les frappant tous les deux avec sa trique- Tiens ! tiens ! tiens ! brigands, bandits, voyous ! au voleur ! (Les voleurs s'enfuient.) Ils ont chacun leur compte !



SCÈNE  IX

GUIGNOL, HARPAGON, MADELON



HARPAGON, accourant. - Ce bruit !... qu'y a-t-il ?... mon dieu ! mon sac !... il est en sûreté... pourtant, je ne sais pas... mais je tremble... (Il regarde sa cachette.) La pierre est enlevée !... le trou... rien... plus rien... mon sac... mon or ! Ah ! Ah ! Ah ! à l'assassin !... je suis mort !... (Il tombe sur la rampe.)

GUIGNOL. - Quels sont ces cris de canard en détresse ?... nom d'un rat ! le vieux qui tourne de l'œil ! Madelon... va me chercher le pot à eau... (Tapant Harpagon sur la tête.) Voyons, voyons, pas de gognandises !... Là ! Là !

HARPAGON, se soulevant. - Où suis-je ? Ah ! Courez ! volez... on me l'a pris ; c'est vous ?... non... ah ! Rendez-le-moi...

GUIGNOL et MADELON, criantQuoi ? Quoi ?...

HARPAGON. - Mon sac, mon bien, ma vie... Je suis ruiné !

GUIGNOL. - Mais vous disiez tantôt que vous n'aviez pas d'argent.

HARPAGON. - Je... j'ignorais... je suis puni... aidez-moi... courons... cherchons... Non, je ne puis... mes jambes flageolent... je vous payerai la course... — Oh ! Oh ! Oh ! mon sac...

GUIGNOL. - Eh bien !... moi, j'en ai trouvé un...

HARPAGON. - Un sac !... c'est le mien, je le reconnais.

GUIGNOL. - Puisque vous l'avez pas vu !... dites donc comment qu'il est fait ?

HARPAGON. - C'est un sac... un... un beau sac ! rond... tout doux, bien sonnant... attaché avec une ficelle.

GUIGNOL est entré chez lui et rapporte le sac. - C'est-y ça, par hasard ?

HARPAGON. - Oui, c'est lui !... c'est bien lui !... C'est toi ! (Il l'embrasse.) Pourvu que rien n'y manque ! (Il l'emporte.)

MADELON. - Tiens ! Il n'a pas seulement dit merci !

GUIGNOL. - Qu'est-ce que ça fait, bah ?... le voici.

HARPAGON, revenant. - Ah ! ah ! tout y est... je respire... le nœud n'a pas été défait... Guignol, Madelon... mes chers voisins, votre main... ce trait d'honnêteté...

GUIGNOL. - On n'a fait que son devoir. Bonsoir, monsieur !

HARPAGON. - Permettez... dites-moi... où l'avez-vous trouvé ?

GUIGNOL. - C'était facile ! C'est deux filous qui l'avaient soupesé, mais j'ai tout vu de ma lucarne, et je leur ai repris le magot en leur cognant si fort le melon qu'ils courent encore.

HARPAGON. - Ils courent, mais ils peuvent revenir... forcer ma porte, m'assassiner, les gueux !... Guignol, ne me laissez pas seul... venez coucher chez moi.

GUIGNOL. - Pas possible... j'ai à faire... Bonsoir !

HARPAGON. - Venez souper avec moi tous les deux, mes sauveurs !

GUIGNOL. - Non, merci, y a pas assez de beurre dans votre cuisine !...

HARPAGON. - Attendez ! (Il rentre précipitamment chez lui.)

GUIGNOL et MADELON. - Qu'est-ce qu'il va faire ?... il est toqué ! Il est devenu complètement toc-toc, c'est sûr !

HARPAGON, revenant avec le sac. - Tenez, Guignol, vous êtes un homme de confiance... un brave cœur... il vous faut un cautionnement... le voici... prenez cet argent, je vous le prête... vous me le rendrez à votre aise... quant aux intérêts... nous en reparlerons... plus tard... (À part.) Il sera plus en sûreté chez lui que chez moi.

GUIGNOL. - Merci infiniment, monsieur !

HARPAGON. - Ainsi, c'est convenu, je vous garde celle nuit, nous la passerons joyeusement à faire bombance...

GUIGNOL et MADELON. - Vive la bombance !



SCÈNE  X

LES  MÊMES, TARTAMPION



TARTAMPION. - La bombance ! moi, j'en suis !... je viens boire un coup avec vous... monsieur Harpagon ! (Voyant Guignol.) Tiens, c'est lui qui a le sac !

HARPAGON. - Tartampion, nous te gardons aussi !

TARTAMPION. - Et nous signerons le bail, sans augmentement ?

HARPAGON. - Oui, mais à condition que tu nous chanteras une chanson.

GUIGNOL, au public. - Permettez... ça me regarde !... En avant le refrain du père Coquard !

AIR : La mère Michel.

Avec vos parents,
Mes chers petits enfants,
Soyez gentils et sages
Et très obéissants.
Fait's ce que je vous dis,
Vous reviendrez me voir
Jouer la comédie,
Regarder mes histoires.

Sur l'air du tralalala,
Sur l'air du tralalala,
Sur l'air du tra et ri et ra
Et tralala.


 

LE RIDEAU TOMBE



Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5530945q.r=guignol.langFR 

     Une autre version de cette pièce est consultable sur :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58315921.r=theatre+lyonnais+de+Guignol.langFR

sous le nom : LES  VOLEURS  VOLES.




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