THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

MADAME PARTROVIVE. - Tenez le voilà mon dernier mot. (Nouveau coup de tête pour la lancer dans les coulisses.) Décidément je vais faire un malheur, je ne céderai certainement pas ma chambre, c'est que j'ai une tête moi, et quand j'ai mis quelque chose dedans, ça y est bien ! Je vais aller voir si mon mari se décide à arriver, et si je trouve quelqu'un dans ma chambre en rentrant, je le tue ! (Elle sort.)


PERDROFIN. - Tiens, elle n'y est plus cette dame, heureusement pour elle, j'étais décidé maintenir mes droits énergiquement. Je viens de déjeuner, eh bien vrai, vous savez, il n'y avait la rien de bien extraordinaire, aussi je vais quitter cette maison et en chercher une autre.


MADAME PARTROVIVE. - Ah ! vous voilà Monsieur, je suis bien aise de vous voir pour vous donner une heureuse nouvelle. Je pars, je quitte la maison, je viens de recevoir une dépêche de mon mari par laquelle il m'informe qu'il ne peut venir, dons, Monsieur, vous pouvez vous installer à votre aise !


PERDROFIN. - C'est justement ce que je faisais, Madame !


MADAME PARTROVIVE. - Soyez certain que sans cette circonstance nouvelle je n'aurais pas cédé.


PERDROPIN. - C'est ce que nous aurions vu. (Elle s'éloigne.) Eh bien, moi aussi j'ai envie de m'en aller.


AUGRATIN. -. J'espère que Monsieur est satisfait, et que ma cuisine a dû lui plaire.

PERDROPIN. - Heu ! Heu !


AUGRATIN. - Il faudrait alors que Monsieur soit bien difficile, ou que ses goûts soient peu délicats.


PERDROFIN. - Ah ça ! dites donc vous, laissez donc mes goûts tranquilles, hein ! Je trouve votre cuisine fort ordinaire. Quant à votre vin, il est d'un plat.


AUGRATIN. - Dame ! Monsieur, quand on vient dans une ville d'eaux ce n'est pas je suppose pour altérer sa santé en se désaltérant avec du vin pur.


PERDROFIN. - Oui, c'est bon, en voilà assez ! Allez me chercher ma note !


AUGRATIN. - Ah ! monsieur le prend sur ce ton.


PERDROFIN. - Je le prends sur le ton qui me plaît.


AUGRATIN. - C'est bien, Monsieur, je l'ajouterai sur la note. Si vous croyez que ça me fait quelque chose de vous donner votre note.


PERDROFIN. - Allons dépêchons, hein !


AUGRATIN. - C'est bien, Monsieur, j'y vais chercher votre note, je ne suis pas à une note près. Monsieur se figure peut-être que nous ne savons pas faire une note. (Sur un geste de colère de Perdrofin il se sauve.)


PERDROFIN. - Au contraire, je suis persuadé que c'est ce que vous faites le mieux. Parfaitement, je vais aller voir autre part, il n'en manque pas d'hôtels dans le pays, mes bagages sont restés en bas, on n'aura pas la peine de les redescendre.


AUGRATIN, il arrive avec une note d'une hauteur prodigieuse. - Voilà la note de Monsieur.


PERDROFIN, lui prenant la note des mains. - Comment tout ça de papier, pour une demi-journée, vous ne regardez pas à la dépense vous !


AUGRATIN. - Oh ! Soyez tranquille, c'est porté sur la note. Tenez, voyez-vous, papier de la note un euro vingt-cinq.


PERDROFIN. - À la bonne heure, vous avez de l'ordre. Voyons ce détail (Il repasse l'addition et s'arrête pour crier, ce qui fait tressaillir Augratin :) Et je retiens quatorze. (Même scène.) Et je retiens trente-deux. (Même scène.) Et j'avance onze. Comment mille-cinq-cents euros quarante-cinq pour une demi-journée ?

 

AUGRATIN. - Oui, Monsieur, c'est mon plus juste prix. Quand une semaine est commencée on la paye tout entière.


PERDROFIN. -.Tenez, mon ami, voilà toujours les quarante-cinq centimes. (Il sort et rentre avec un bâton.) Quant aux mille-cinq-cents, voilà un acompte, et je tiens le reste à votre disposition en même monnaie. (Il lui donne un coup de bâton sur la tête et se sauve.)


AUGRATIN, se relevant. - En voilà un misérable ! Voilà ce que c'est que de recevoir chez soi des étrangers qu'on ne connaît pas. Nous devrions nous entendre, nous autres maîtres d'hôtels, pour ne recevoir dans nos maisons hospitalières que des gens munis de certificats délivrés par nous, après avoir fait subir à tous nos clients les plus pénibles épreuves. Au moins comme ça nous ne serions pas exposés à recevoir ainsi n'importe qui Je vais m'occuper de ça !

 

RIDEAU.




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