THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
GÉROMÉ. - Voilà, monsieur le juge !

POMPONOT. - Dites-moi, Géromé, allez me chercher les trois prisonniers. Vous les amènerez ici deux par deux !

GÉROMÉ. - Bien, m'sieur. (Se reprenant) Comment, deux...

POMPONOT. - Allez, allez, mon ami !

GÉROMÉ. - Mais permettez, monsieur le juge.

POMPONOT. - Mais allez donc ! dépêchez-vous donc !
(D'un vigoureux coup de tête, il le lance dehors).


GÉROMÉ, rentrant. - Mais, monsieur le juge, je crois qu'il y a une erreur dans l'arithmétique !

POMPONOT. - Qu'est-ce que vous me chantez avec votre arithmétique ?

GÉROMÉ. - Vous me dites de vous amener les prisonniers deux par deux. C'est impossible, puisqu'ils sont trois.

POMPONOT. - Mais vous vous mettrez avec eux, ça fera quatre. Allez donc ! (Nouveau coup de tête et même sortie). C'est qu'il ne faut pas m'agacer ; je suis mal disposé. — Si je pouvais faire un petit somme ! (Il bâille et s'étend sur la tablette ; on l'entend ronfler).

GÉROMÉ, accourant. - Ah ! c't' affaire, monsieur le juge ! monsieur le juge ! (Il le secoue).

POMPONOT. -. Mais quoi ? qu'est-ce qu'il y a encore ? (Il se relève).

GÉROMÉ. - Ah ! monsieur le juge ! Je suis perdu... vous êtes perdu... nous sommes perdus... ils sont perdus !...

POMPONOT. - Qui ça ? les prisonniers ?

GÉROMÉ. - Hélas ! Monsieur.

POMPONOT. - Eh bien ! tant mieux. (Se reprenant vivement) Non, je veux dire... Allez les chercher, mais tout doucement... Pas si vite, Géromé. Laissez-leur au moins le temps de prendre de l'avance. (Géromé sort. Pomponot reprend sa position pour s'endormir). Ça me permettra au moins de faire un petit somme. S'il pouvait ne pas les rattraper ! (Il ronfle).

GÉROMÉ, accourant tout essoufflé. - M'sieur le juge ! monsieur le juge ! (Il le secoue).

POMPONOT. - C'est encore vous ?

GÉROMÉ. - Oui, m'sieur le juge. Grande nouvelle. Je suis sauvé. Vous êtes sauvé... nous sommes sauvés... Ils ne se sont pas sauvés !

POMPONOT. - C'est vous qui les avez rattrapés ?

GÉROMÉ. - Oui, m'sieur le juge !

POMPONOT. - Faut-il que vous soyez naïf ! Comment ! vous voyez le mal que nous avons, et quand un peu de besogne nous échappe, vous courez après, pour faire du zèle, n'est-ce pas ? Voulez-vous les laisser partir, ces pauvres gens ! (Il le fait sortir avec un grand coup de tête). Il faut vraiment que ces gens soient naïfs pour se sauver ! Se figurent-ils donc que nous sommes capables de leur faire du mal ? Enfin, je vais pouvoir être un peu tranquille, je vais prendre un peu de repos en lisant le Charivari. (Il prend son livre et sort. La toile tombe).

FIN




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