THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 
CENDRILLON

Mesdemoiselles B. et J. AUROY
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8887770/f47.image

Cendrillon, marionnettes, B et J auroy domaine public

1930 - domaine public

FÉERIE EN TROIS TABLEAUX


PERSONNAGES :
CENDRILLON.
LE FILS DU ROI.

JAVOTTE, sœur de Cendrillon.
TOINON, sœur de Cendrillon.
LA BELLE-MÈRE.
UN PAGE.
DAMES, SEIGNEURS.


PREMIER TABLEAU

LES APPRÊTS DU BAL

 

JAVOTTE et TOINON chantent et esquissent quelques pas de danse.
(Air : La bonne aventure).
Ce soir, au palais du Roi,
En riche parure
De brocart d'or et de soie,
Gaîment en mesure,
Nous danserons menuets,
Gavottes et passe-pieds.
La bonne aventure, ô gai !
La bonne aventure !

JAVOTTE. - Je suis folle de joie en pensant que je vais avoir l'honneur de danser avec le fils du Roi.

LA MÈRE. - Voyons, Javotte, Toinon, hâtez-vous de vous apprêter. Venez, que j'ajuste vos collerettes. Que vous voilà belles ! Sur cette robe de velours rouge, votre manteau brodé d'or ira à merveille.

JAVOTTE. - Cendrillon va nous coiffer, maintenant. (Appelant). Cendrillon ! Cendrillon ! Vite, plus vite que cela quand on t'appelle !

CENDRILLON, assise près de la cheminée, se levant. - Me voilà, Mademoiselle !

JAVOTTE. - Tu vas me faire la coiffure à la mode, très haute et très bouffante et tu fixeras dans mes cheveux un diadème en diamants.

TOINON, à Cendrillon. - Dis-moi, Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ?

JAVOTTE, riant aux éclats. - Ha ! ha ! ha ! On rirait bien de voir une cendrillon aller au bal ! La vois-tu avec ses sabots et sa vieille robe grise ? Ha ! ha ! ha !

CENDRILLON. - Hélas ! mesdemoiselles, vous vous moquez de moi ! Je sais bien que ce n'est pas là ma place... Votre coiffure est prête. Voulez-vous regarder dans le miroir si elle vous plaît ?

TOINON. - À mon tour, maintenant. Dis donc, Cendrillon, as-tu déjà vu le roi ?

JAVOTTE. - Cendrillon ? Elle ne connaît que le torchon, le balai et les cendres du foyer.

CENDRILLON, soupirant. - C'est vrai que du matin au soir, je lave et je récure. (Elle soupire profondément). Comme il doit être beau le château du roi ! Peut-être, Mesdemoiselles mes sœurs, peut-être voudrez-vous me raconter toutes les merveilles que vous aurez vues !

LA MÈRE. - Allons, mes chères filles ! laissez cette horreur de Cendrillon à ses marmites. Le carrosse nous attend, partons. Toi, Cendrillon, pendant que nous serons au bal, tu rangeras la maison. Je veux trouver tout en ordre à mon retour.

CENDRILLON, seule. - Hélas ! que je suis malheureuse ! On me traite plus mal qu‘un chien ! Tandis que mes sœurs se promènent dans leurs beaux habits de soie, je reste seule à récurer les marmites et à frotter les chambres. Je suis vêtue comme une mendiante. Oh ! si ma pauvre mère me voyait ainsi, qu‘elle aurait de chagrin ! Hélas ! depuis qu'elle est morte, je suis devenue le souffre-douleur de ma belle-mère et de ses ?lles. On me bouscule, on se moque de moi. Pour ne pas affliger mon père, je souffre avec patience, sans rien dire, mais j'ai bien du chagrin ! (Elle va se rasseoir près de la cheminée et pleure, la tête dans ses mains. - Relevant la tête). Ce bal... comme il doit être beau  ! Que j‘aimerais danser avec un prince, au son des violons... Hélas ! jamais je n’irai au bal ! (Elle sanglote).

LA FÉE, apparaissant. - Cendrillon ! Cendrillon !

CENDRILLON. - Ma bonne Fée ! Ma chère marraine !

LA FÉE. - Qu'as-tu donc à sangloter si fort ?

CENDRILLON. - Je voudrais... je voudrais... (Elle pleure plus fort).

LA FÉE. - Tu voudrais aller au bal, n'est-ce pas ?

CENDRILLON. - Oh ! oui, marraine !

LA FÉE. - Ne pleure plus, je t'y ferai aller. Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille.

CENDRILLON. - Voilà la plus grosse du jardin. Qu'allez-vous faire ?
(Les transformations sont supposées se faire dans la coulisse).

LA FÉE. - Tu sais que la baguette des fées est toute puissante. Laisse la citrouille à la porte et regarde !

CENDRILLON. - Un carrosse ! La citrouille est devenue un carrosse... tout doré !

LA FÉE. - Va voir maintenant s'il n'y a pas quelques souris dans la souricière.

CENDRILLON. - Marraine, il y en a six !

LA FÉE. - Fais-les sortir une par une et regarde !

CENDRILLON. - Un cheval ! La souris est devenue un beau cheval ! Un autre cheval ! un autre ! trois... quatre... cinq... six chevaux ! Oh ! marraine, quel bel attelage ! Mais comment ferez-vous un cocher ? Tiens, je vais voir s'il n'y a pas quelques rats dans la ratière.

LA FÉE. - Tu as raison, va voir.

CENDRILLON. - Trois gros rats, marraine !

LA FÉE. - Nous allons choisir celui qui a une grande barbe, il fera un magnifique cocher.
(Le cocher vient saluer sur la scène).

CENDRILLON. - Oh ! le beau cocher !

LA FÉE. - Maintenant, va dans le jardin. Tu regarderas derrière l'arrosoir, tu trouveras six lézards ; apporte-les moi.

CENDRILLON. - Les voilà, marraine !

LA FÉE, coup de baguette. - Et voilà tes laquais !

CENDRILLON. - Mes laquais, grimpez vite derrière mon carrosse !

LA FÉE. - Eh bien, ma chère filleule, tu vas pouvoir aller au bal. Comment, tu ne bouges pas ? Tu n'es pas contente ?

CENDRILLON. - C'est que... marraine... c'est que je ne puis pas aller au bal avec mes pauvres habits !

LA FÉE. - Tu as parfaitement raison. Attends.
(Coup de baguette. Cendrillon apparaît).

CENDRILLON. - Marraine ! Marraine ! (Elle s'admire). Oh ! cette belle robe brodée d'or !... et ce collier de perles... et ces petites pantoufles de vair... Marraine, quel bonheur !

LA FÉE. - Sois heureuse, ma chère petite, amuse-toi bien. Mais, avant de monter en carrosse, écoute bien ce que je vais te dire : il faut qu‘avant minuit tu aies quitté le bal ; avant minuit, tu m‘entends ? Sinon. ton carrosse redeviendrait citrouille, tes chevaux des souris, tes laquais des lézards, et tu te retrouverais avec tes pauvres habits.

CENDRILLON. - Marraine, soyez sûre, je vous obéirai. Merci ! Merci ! (Elle sort, après avoir embrassé la fée).


- RIDEAU -


TROISIÈME TABLEAU

LE BAL

 

   Le palais du roi. - Le prince, Javotte, Toinon, leur mère et quelques invités. Si l'on dispose d'un piano, on jouera au lever du rideau un motif de gavotte ou de menuet.
   
À défaut, on chantera le couplet suivant. 


LES INVITÉS, chantant et dansant(Air : Ah ! vous dirai-je maman).
Dans nos plus riches atours,
Nous danserons jusqu'au jour,
Gaîment, marquons la cadence,
Et faisons la révérence...
Dans nos plus riches atours,
Nous danseront jusqu'au jour.

LE FILS DU ROI, s'avançant vers Javotte. - Mademoiselle, me ferez-vous lhonneur de danser avec moi cette gavotte ? (Profondes révérences).
(Reprendre le couplet ci-dessus et faire danser quelques marionnettes).

JAVOTTE, à la fin de la danse, révérence à son danseur. À sa mère et à sa sœur. - Le fils du roi m'a fait mille compliments.

TOINON. - Il m'a promis le prochain menuet.

LA MÈRE. - Je suis bien heureuse que le fils du roi vous fasse tant d'honneur !
(Cendrillon fait son entrée. Le Prince la salue).

UN INVITÉ. Oh ! quelle est cette princesse ? Quelle beauté ! quelle grâce !

UN AUTRE INVITÉ. - Le prince lui fait un accueil empressé.

PREMIER INVITÉ. - Il est ébloui par sa beauté et charmé par sa grâce !
(La musique reprend. Air de menuet. Le prince s'incline devant Cendrillon et l'entraîne dans la danse).

TOINON, à sa mère. - Oh ! c'est trop fort ! Le prince m'avait promis ce menuet et il le danse avec cette inconnue.

LA MÈRE. - Il est bien certain qu'il n'a plus d'yeux que pour elle.
(On entend sonner minuit. Cendrillon s'échappe en courant. La musique cesse).

LE PRINCE, courant. - Princesse ! Princesse ! de grâce !

LES INVITÉS. - Qu'y a-t-il ? Pourquoi cette belle dame s'est-elle enfuie si vite ?

LE PRINCE, revenant et portant la pantoufle. - Elle a disparu dans la nuit... Je suis au désespoir ! Est-ce une fée ?... une reine lointaine ?... (Montrant une pantoufle). En fuyant, elle a laissé tomber une de ses mignonnes pantoufles. Je l'ai ramassée précieusement.
(La musique reprend. Le prince reste à l'écart).

LES INVITÉS. - Le Prince n'a plus le cœur à danser. Retirons-nous.

 

- RIDEAU -


TROISIÈME TABLEAU

APRÈS LE BAL

Chez Cendrillon, décor du premier tableau.



CENDRILLON. - Je vous en prie, Mesdemoiselles, parlez-moi encore un peu de ce bal... Alors, elle était bien jolie, cette princesse inconnue !?

JAVOTTE. - C’est à dire qu’elle était une merveille de beauté... et si richement parée !

TOINON. - Le fils du roi n’a dansé qu’avec elle.

CENDRILLON, avec malice. - Ah ! que j’aurais voulu la voir !

JAVOTTE. - Le plus étonnant. c’est qu’au premier coup de minuit, elle s’est enfuie si vite que personne n’a pu la rattraper. En courant, elle a laissé tomber une de ses petites pantoufles de vair, la plus jolie du monde. Le fils du roi l’a ramassée et il n‘a fait que la regarder tout le reste du bal. Il est fou de désespoir de ne savoir où retrouver la belle dame.

CENDRILLON, avec malice. - Cette histoire est tout à fait mystérieuse !
(À ce moment, on entend un son de trompe).

JAVOTTE. - Écoutez. Qu'y a-t-il ?
(Un page apparaît sur le seuil, suivi d'un autre page portant la pantoufle sur un coussin).

LE PAGE. - Mesdames, approchez et écoutez ceci. (Il lit). « Le Prince, fil du Roi régnant, proclame qu'il s'engage à épouser celle dont le pied sera bien juste à la pantoufle que voici. »

LA MÈRE. - Oh ! mes filles ! Javotte... Toinon. Venez, venez essayer la pantoufle !

JAVOTTE. - Moi d'abord ! (Elle s'assied. Elle essaye en vain d'entrer son pied dans la pantoufle).

LE PAGE, à genoux devant Javotte. - Madame, vous avez beau faire, votre pied est trop gros pour entrer dans cette fine pantoufle.

TOINON. - À mon tour ! Je suis sûre que, moi, je pourrai la chausser. (Mêmes gestes).

LE PAGE. - Inutile d’insister, Madame, c’est impossible !

CENDRILLON, timidement. - Et moi... ne pourrais-je voir si elle ne me serait pas bonne ?

LES DEUX SŒURS, riant. - Ha ! ha ! ha !

JAVOTTE. - Cendrillon qui veut essayer sa chance !

TOINON. - Cendrillon qui voudrait épouser le fils du roi !

LE PAGE. - Mesdemoiselles, l’ordre du prince est formel. Nous devons essayer la pantoufle à toutes les jeunes filles du royaume. Asseyez- vous je vous en prie. (Le page lui passe la pantoufle). Mais la pantoufle lui va à ravir !

LA MÈRE, JAVOTTE, TOINON. - Ciel ! est-ce possible ?

CENDRILLON, montrant la deuxième pantoufle, en la tirant de sa poche. - Et voilà l’autre pantoufle !

LA FÉE, apparaissant, elle touche Cendrillon de sa baguette. Cendrillon apparaît dans sa toilette de bal.

JAVOTTE et TOINON. - Cendrillon ! C’était elle la princesse du bal !

LA FÉE. - Ma chère filleule, tes tourments sont finis. Tu vas devenir l’épouse d’un prince aussi bon que beau et brave. Reste toujours modeste et bonne. Voilà ton fiancé que j’ai fait avertir.
(Le fils du roi entre. Il se met à genoux devant Cendrillon, puis il se relève et la prend par la main).

JAVOTTE et TOINON, tombant à genoux devant Cendrillon. - Pardon, Madame ! Pardon, princesse !

 




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