THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

LES FÉES

Féerie en quatre tableaux

Mesdemoiselles AUROY – 1930 - domaine public
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8887770/f63.image

les fées, conte, pièce pour marionnettes


PERSONNAGES :
JANETTE
FANCHON
LA MÈRE

LA FÉE
LE PRINCE


PREMIER TABLEAU

LA MAISON DE LA VEUVE

La mère. - Fanchon. - Janette.



LA MÈRE. - Ce joli coffret est pour toi, Fanchon. Tu trouveras dedans une belle surprise... (Pour les marionnettes, le coffret peut être placé sur une table).

FANCHON. - Oh ! la belle chaînette en or !

LA MÈRE. - Tu la mettras pour aller à la promenade !

FANCHON. - Oh ! ma mère, que je vais être belle !
(Elle contemple longuement le bijou).

JANETTE, qui rôde autour. - Fanchon... je t'en prie... laisse-moi voir ton collier.

FANCHON, méchamment. - Non, va-t-en, curieuse ! Les bijoux ne sont pas faits pour un laideron comme toi.

LA MÈRE, ton brutal. - Que fais-tu ici ? Ta place est à la cuisine. As-tu été chercher de l'eau à la fontaine ?

JANETTE. - Non, maman !

LA MÈRE. - C'est trop fort ! Et qu'attends-tu pour y aller ?

JANETTE. - C'est que... maman... je n'ai encore point dîné !

LA MÈRE. - Tant pis pour toi ! il fallait te dépêcher.

JANETTE. - Je m’en vais, maman (elle sort).

FANCHON. - Et moi, je vais essayer mon beau collier devant la glace.
(Janette reparaît avec une grande cruche et sort pendant que Fanchon chante). (Air : Margoton va-t-à l’iau).
     Janeton va-t-à l’iau
     Avecque son cruchon (bis)
     La Fontaine est bien creuse
     Elle tombera au fond.
     Aye, aye, aye, aye, aye
     Tombe, tombe donc !

(RIDEAU)

 

DEUXIÈME TABLEAU


La forêt. Au milieu, une fontaine. Janette paraît portant sa cruche.


JANETTE. - Le chemin m’a paru bien long. Allons. encore un peu de courage. M'y voici ! (Elle se prépare à puiser de l'eau. Une vieille femme apparaît sur le sentier. Janette se retourne brusquement). Quelqu’un !... J’ai eu peur ! C’est une vieille femme qui traverse le bois. On voit à peine sa figure sous son grand capuchon. (La vieille femme s'avance. Janette salue). Bonjour, Madame !

LA VIEILLE FEMME. - Je vois, mon enfant, que vous portez une cruche. Voudriez-vous avoir la bonté de me donner à boire ?

JANETTE. - Oh ! oui, Madame. Attendez que je rince la cruche. (Elle se penche). Voilà !... Je vais tenir la cruche pendant que vous boirez.

LA VIEILLE FEMME, après avoir bu. - Merci, ma belle enfant. Vous êtes si bonne et si douce que je ne puis m’empêcher de vous faire un don. Voici quelle sera ma récompense : à chaque prole que vous direz, il tombera à vos pieds une fleur ou une pierre précieuse.

JANETTE. - Oh ! merci, madame ! Que vous êtes bonne !
(Roses et diamants tombent autour de Janette qui s'efforce de les ramasser en poussant des cris joyeux. On lancera sur la scène des perles, des pétales de fleurs ou des petites roses en papier).

 

(RIDEAU)

 

TROISIÈME TABLEAU

 

À LA MAISON

 

Même décor qu'au premier tableau.

La mère. - Fanchon.

 

LA MÈRE. - Cette stupide Janette tarde bien à revenir. Que fait-elle dans le bois ? Je vais la gronder d'importance !

FANCHON. - Je suis sûre qu'elle s'amuse en chemin au lieu de se hâter.
(On entend des cris joyeux au dehors. Janette rentre essoufflée, sans sa cruche).

LA MÈRE. - D'où viens-tu si tard ? Où est ta cruche ? Méchante enfant, tu me le payeras ! (Elle se précipite pour la battre).

JANETTE. - Je vous demande pardon, ma mère, d'avoir tardé si longtemps... (Roses, perles, diamants tombent autour d'elle).

LA MÈRE. - Ciel ! que vois-je ? Mais ce sont des diamants et des perles qui tombent autour d'elle ! D'où vient cela, ma fille ?

JANETTE. - Une pauvre vieille que j’ai rencontrée à la fontaine m’a demandé à boire. Je lui ai tendu ma cruche. En récompense, elle m’a fait ce magnifique cadeau. Sous ses pauvres habits, c'était sans doute une fée !

LA MÈRE. - Ô merveille ! Voici la chambre remplie de diamants. Fanchon, qu'en dis-tu ? Ne serais-tu pas bien aise d’avoir le même don que ta sœur ?

FANCHON. - Certes, ma mère. Je vais demander à Janette de me transmettre son merveilleux don. Qu’a-t-elle besoin de diamants ?

LA MÈRE. - Mais, ma chère enfant, ce n’est pas possible ! Tu dois aller toi-même à la fontaine puiser de l’eau et quand une pauvre vieille femme te demandera à boire, tu lui en donneras honnêtement.

FANCHON. - Que j’aille à la fontaine, moi ! Mais, ma mère, vous n’y pensez pas ! Il ferait beau m’y voir !

LA MÈRE. - Je veux que tu y ailles et tout de suite !

FANCHON. - C’est une besogne de servante !

LA MÈRE. - Mais, Fanchon, pense au don merveilleux qui t’attend. Pour plaire davantage à la fée, au lieu d’une cruche, lourde et grossière, prends cette riche aiguière d’argent.

FANCHON. - Quelle idée ridicule a cette fée de se cacher auprès de la fontaine, déguisée en vieille mendiante !

LA MÈRE. - Il est vrai !... Mais pars vite, ma fille.

FANCHON, en grognant. - C’est bon, c’est bon... j’y vais.

 

(RIDEAU)


QUATRIÈME TABLEAU


À LA FONTAINE


Même décor qu'au deuxième tableau.


FANCHON, apparaissant sur le sentier, avec mauvaise humeur. - Le chemin est long et pénible jusqu’à cette fontaine ! Je n’ en puis plus ! J’ai déchiré aux épines ma robe de soie ! Voilà la fontaine ! (Elle regarde de tous côtés). Je ne vois pas la vieille lemme, serait-elle partie ? Ah ! voici quelqu’un ? (Une dame magnifiquement vêtue apparaît au bout du sentier). Mais ce n’est pas la fée. Avec ces riches vêtements, c’est sans doute quelque princesse qui se promène.

LA DAME, qui s'est avancée. - Mon enfant, voudriez-vous être assez obligeante pour me donner à boire ?

FANCHON, brutale. - Mais, Madame, je ne suis pas votre servante ! Ce n‘est pas pour vous donner à boire que je suis venue ! Tenez, voici mon aiguière. Puisez vous-même à la fontaine, si vous voulez.

LA DAME. - Vous n’êtes pas aimable, mon enfant.

FANCHON. - Madame, je n’ai pas l’habitude de servir les autres.

LA DAME. - Eh ! bien, puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu‘à chaque parole que vous direz, il tombera à vos pieds un serpent ou un crapaud. (La fée s'éloigne).

FANCHON. - La fée ! c’était la fée !... Si j’avais su ! (Crapauds et serpents tombent autour d’elle. On peut lancer sur la scène des petits animaux en terre glaise, en tissu ou en papier).

LA MÈRE, survenant. - Ma fille, il me tardait tellement de te revoir que je suis venue à ta rencontre. Eh ! bien, tu as reçu aussi le don merveilleux ? Parle ! Mais qu'as-tu ?

FANCHON. - Ma mère... c'est affreux !
(Crapauds et serpents tombent).

LA MÈRE. - Horreur ! des serpents ! des crapauds ! C'est ta sœur qui en est cause ! Elle a dû faire à la fée quelques méchants rapports sur ton compte. Elle me le payera, cette Janette de malheur ! Tiens, la voici justement qui accourt pour jouir plus vite de sa vengeance. Ah ! maudite enfant ! Ingrate ! Tu ne reviendras plus à la maison. Reste dans ce bois avec tes sorciers et tes sorcières !

JANETTE. - Ma mère... ce n'est pas ma faute... Fanchon, écoute-moi ! De grâce, laissez-moi rentrer avec vous à la maison.

LA MÈRE, s'éloignant avec Fanchon. - Jamais !

JANETTE, seule. - Que vais-je devenir toute seule dans ce bois ? Que m'importent maintenant les diamants et les perles ! Je suis bien malheureuse. (Elle s'assied au bord de la fontaine et pleure, le visage caché dans ses mains).

LE FILS DU ROI, en tenue de chasseur. - La chasse a été bonne. Il est temps maintenant de reprendre le chemin du château. Ce bois est charmant. (Il regarde autour de lui). Mais que vois-je auprès de la fontaine ? Une fillette qui pleure ! (S'avançant vers l'enfant). Qu'avez-vous donc à pleurer, mon enfant ?

JANETTE. - Hélas ! je suis bien malheureuse ! ma mère m’a chassée du logis !

LE PRINCE. - Ciel ! Il tombe autour d’elle des diamants et des roses ! D’où cela vous vient-il, mon enfant ?

JANETTE. - J’étais venue, comme à mon habitude, puiser de l’eau à cette fontaine. Une vieille femme se trouvait là. Elle me demanda à boire. Je lui tendis ma cruche, et pour me remercier, comme elle était fée, sans doute, elle me fit ce don.

LE PRINCE. - Chère enfant, c’est assurément parce que vous êtes bonne et douce, car les fées devinent tout. Je ne vous laisse point seule dans ce bois. Venez avec moi au château du roi mon père. Il sera heureux de vous y recevoir et il vous traitera comme sa fille. Venez, mais auparavant, laissez-moi ramasser ces roses, ces diamants et ces perles pour parer vos cheveux et votre robe. (L’admirant). Vous avez maintenant l’air d’une princesse ! Venez, ma charmante. (Il chante. Air : Ah ! mon beau château).
     Dans mon beau château
     Viens, ma belle, viens, ma belle,
     Dans mon beau château
     Reine tu seras bientôt.

JANETTE.
     Dans ce beau château
     Moi, Janette, ô merveille  !
     Dans ce beau château
     Reine, je serai bientôt.
(Pendant le dernier couplet, Fanchon est entrée et s’est assise près de la fontaine. On l'entend sangloter).

JANETTE, se retournant. - Mais, là, au bord de la fontaine, n'est-ce pas Fanchon, ma sœur ? (S'approchant). Mais oui ! c'est bien elle ! Qu‘as-tu donc à pleurer, Fanchon ?


FANCHON, sanglotant. - Hélas !… ma mère m’a chassée du logis.


JANETTE. - Ma Fanchon, que j’ai de peine de te voir si malheureuse ! Oh ! que ne puis-je de nouveau rencontrer la fée, je lui demanderais de te pardonner !

LA FÉE, apparaissant. - Janette, ton désir sera exaucé ; je veux qu’en ce beau jour tu sois pleinement heureuse. D‘ailleurs, Fanchon a été assez punie ! je suis sûre que, désormais, elle sera bonne envers tout le monde.

FANCHON, se jetant à genoux. - Madame, je vous le promets !

JANETTE. - Oh ! merci, ma bonne Fée !

LA FÉE. - Relevez-vous, ma fille, et retournez près de votre mère. (Au Prince et à Janette). Et vous, mes chers enfants, partez joyeusement pour le château, où vous attend le bonheur. (Elle chante. Air : Ah ! mon beau château).
       
Dans ce beau château,
     
Beau Prince et belle Princesse,
     
Dans ce beau château,
     
Vous vivrez des jours très beaux.

LA FÉE et FANCHON, ensemble.
     
Dans ce beau château,
     
Tout est joie, tout est merveille,
     
Dans ce beau château,
     
Ils vivront des jours très beaux.

LE PRINCE et JANETTE, ensemble.
     
Dans ce beau château,
     
Tout est joie, tout est merveille,
     
Dans ce beau château,
     
Nous vivrons des jours très beaux.

 

(RIDEAU)


     Cette pièce est à rapprocher de celle du théâtre Séraphin, visible sur :
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/les-fees.php

 




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