LES CONFITURES
Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot
1907
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PERSONNAGES
MAMAN DE PIERRETTE ET PIERROT. — PIERRETTE. — PIERROT.
UNE PETITE MENDIANTE
ACCESSOIRES
Quatre poupées. — Une table. — Une chaise. — Un pot de confitures. — Une petite cuiller.
Deux morceaux de pain.
MAMAN, posant les confitures et le pain sur la table. — Pierrette !
PIERRETTE, accourant. — Me voilà, maman.
MAMAN. — Je n'ai pas le temps de faire vos tartines ; vous les ferez vous-mêmes, ton frère et toi. Par exemple, tâchez d'être raisonnables ; très peu de confitures, très peu, tu m'entends ?... (Elle sort.)
Pierrot, entrant. — Un pot de confitures ! (Il gambade.) Nous allons nous régaler.
PIERRETTE. — Maman a bien recommandé de ne pas en manger beaucoup. (Elle fait sa tartine et va s'asseoir dans un coin.)
PIERROT, mettant sur la sienne une épaisse couche et lèche la cuiller. — Ah ! qu'elles sont bonnes !
PIERRETTE. — Tu en prends trop.
PIERROT. — Mais non !... As-tu peur qu'il n'en reste plus pour toi ?
PIERRETTE, qui a léché sa tartine. — Écoute donc, je peux bien en reprendre un peu, tu en manges assez.
(Elle plonge la cuiller dans le pot à plusieurs reprises et mange.)
PIERROT. — Il n'y en a presque plus !
PIERRETTE. — C'est vrai !... Le pot est vide ; que dira maman !...
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MAMAN, entrant. — Oh ! Qu'est-ce que je vois !... ils ont tout mangé. Vous n'avez pas honte ?... Et leur pain qui reste là sur la table ! Vous n'aurez plus de confitures pendant huit jours, allez-vous mettre en pénitence. (Elle les met en pénitence et s'en va.) Nous dînerons sans vous, car j'imagine que vous n'avez plus faim, vilains petits gourmands !
PIERROT, se tournant vers Pierrette. — Hein ! qu'est-ce que tu dis de ça ?
PIERRETTE. — C'est bien fait pour toi, là ! (Elle pleure.) Hi, hi, hi !... hi, hi, hi !...
PIERROT. — Je crois que tu en as mangé ta part aussi.
PIERRETTE. — Hi, hi, hi !...
(On entend chanter dans la rue.)
LA PETITE MENDIANTE, on entend sa voix.
C'est la petite mendiante
Qui vous demande un peu de pain ;
Du pain ! je ne suis pas gourmande,
Ah ! donnez-moi, car j'ai bien faim !
(Pierrot et Pierrette se penchent au dehors.)
PIERROT. — Entends-tu ?
PIERRETTE. — Oui, regarde donc cette pauvre petite, pieds nus, en guenilles, et qui chante.
PIERROT. — Elle dit qu'elle n'est pas gourmande... et nous qui le sommes tant !...
PIERRETTE. — On dirait qu'elle vient pour nous faire honte.
PIERROT. — Faisons-la entrer... Elle doit avoir bien faim.
PIERRETTE, l'appelant. — Venez ici !... Nous vous donnerons à manger.
LA PETITE MENDIANTE, entrant. — Mon bon petit monsieur, ma bonne petite demoiselle, je vous remercie de tout mon cœur. Faites-moi la charité, je n'ai rien mangé aujourd'hui.
PIERROT. — Ah ! mon Dieu... pourquoi avons-nous vidé ce pot de confiture !... nous lui en aurions donné, je suis sûr qu'elle n'en mange jamais.
LA PETITE MENDIANTE. — Des confitures ! mon bon Monsieur... Je n'en demande pas, donnez-moi seulement du pain.
PIERRETTE. — Du pain sec, ce n'est guère bon !..
LA PETITE MENDIANTE. — Oh ! si, Mademoiselle; je me trouverais bien heureuse d'en avoir tous les jours.
PIERROT. — Ton papa et ta maman sont donc bien malheureux ?
LA PETITE MENDIANTE. — Je n'ai ni papa, ni maman ; je suis orpheline.
PIERRETTE. — Ni papa, ni maman ! est-elle malheureuse !... et nous, Pierrot, qui avons un bon papa et une bonne maman pour nous soigner, nous leur désobéissons tous les jours...
PIERROT. — C'est vrai, Pierrette. Je regrette d'avoir mangé des confitures.
PIERRETTE. — Moi aussi, va.
MAMAN, entrant. — Je vous entends causer, qu'est-ce que vous racontez ?... Tiens, que demande cette enfant ?
PIERRETTE. — Maman, elle a bien faim ; nous l'avons fait entrer ; veux-tu, s'il te plaît, lui donner à manger.
MAMAN. — Je ne demande pas mieux.
PIERROT. — Nous te demandons pardon d'avoir été gourmands. Tu donneras notre dessert à cette petite fille.
MAMAN. — Bien, puisque vous avez si bon cœur, je vous pardonne. Venez, cette pauvre enfant dînera avec vous. (Elle emmène la mendiante, Pierrot les suit.)
PIERRETTE, seule. — Comme elle est bonne, maman ! Ah ! que nous avons du bonheur de l'avoir... Si nous étions orphelins, pourtant, si nous n'avions pas même du pain !... Oh! je tremble rien que d'y songer... Bonne maman chérie, je veux t'aimer beaucoup et ne plus te faire de peine.
RIDEAU