LE BRACELET DE JEANNETTE
Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot
1907 - domaine public
JEANNETTE. - PIERRETTE. - MARCELINE. - PIERROT.
TROIS-PATTES
ACCESSOIRES
Quatre poupées. — Un chien. — Une glace. — Un bracelet.
JEANNETTE, seule. — Comme je suis bien habillée !... (Elle se regarde clans la glace.) Ma robe est-elle jolie !... Et mon chapeau !... Les autres seront jalouses, bien sûr. Maman m'a défendu de mettre mon bracelet ; mais, c'est égal, je vais le mettre quand même ; j'en aurai bien soin, je ne l'abîmerai pas. Allons vite chez Pierrette. (Elle arrive chez Pierrette.)
PIERRETTE, levant les bras. — Comme tu es belle !...
JEANNETTE. — N'est-ce pas ?
PIERRETTE. — Tu as mis ta robe neuve pour aller jouer ?
JEANNETTE. — Mais oui, puisqu'il fait beau ; d'ailleurs, nous allons nous promener.
PIERRETTE. — Moi, tu sais, je m'amuse moins bien quand j'ai mes beaux habits.
JEANNETTE. — Est-ce que Marceline vient avec nous ?
PIERRETTE. — Oui, la voilà justement.
MARCELINE, entrant. — Où vas-tu donc, Jeannette, à la noce ?
JEANNETTE. — Et toi, avec ton tablier ?
MARCELINE. — Mon tablier est propre ; je peux bien sortir avec.
JEANNETTE. — Non, tu es trop mal habillée.
MARCELINE. — Trop mal habillée ? Peut-être parce que je n'ai pas de bracelet ?
JEANNETTE. — À propos, regardez-le donc le bracelet que marraine m'a donné. Il est en argent, n'est-ce pas qu'il est joli ?
PIERRETTE. — Oh ! ce n'est pas bien utile un bracelet ; et puis, ça gêne
d'avoir ça au bras ; cela remue tout le temps.
JEANNETTE. — Parce que tu n'en as pas.
MARCELINE. — Tu n'es pas gentille, aujourd'hui, Jeannette.
JEANNETTE. — C'est vous qui êtes jalouses.
PIERRETTE. — Jalouses ! Oh ! non, bien sûr. Partons, tiens ; ne nous disputons pas.
JEANNETTE. — Je veux que Marceline pose son tablier.
MARCELINE. — Maman me gronderait.
JEANNETTE. — Eh bien, reste, tu ne viendras pas avec nous, mademoiselle Cendrillon !
MARCELINE, pleurant. — Oh !... mademoiselle Cendrillon ! Méchante !...
PIERRETTE. — Tu peux aller te promener toute seule, Jeannette ; moi, je n'y vais pas, tu es trop fière.
JEANNETTE, sortant. — Au revoir, alors !...
PIERROT, qui arrive. — Tu pleures, Marceline ?
PIERRETTE. — Jeannette lui a dit qu'elle était mal habillée ; elle l'appelle mademoiselle Cendrillon.
PIERROT. — Jeannette me déplaît : c'est une orgueilleuse. Il fallait l'appeler Mademoiselle Falbalas.
PIERRETTE, riant. — Oui, c'est vrai. Ah ! Ah ! Ah ! Quelle toilette elle a !
PIERROT. — C'est joliment désagréable quelqu'un qui fait tant de manières !... Qu'est-ce que j'entends ?... Trois-Pattes qui se fâche... (Le chien aboie.)
TROIS-PATTES. — Houa ! Houa ! Houa, houa, houa !...
PIERROT. — Pstt ! pstt ! Trois-Pattes, tais-toi, viens ici.
JEANNETTE, le poursuivant avec un bâton. — Attends, vilaine bête !...
PIERROT. — Qu'est-ce que tu lui veux ?
JEANNETTE. — Il va salir ma robe avec son museau.
PIERROT. — Il veut te dire bonjour.
JEANNETTE. — Ses pattes sont mouillées, je le remercie bien.
PIERROT. — Prête-lui tes gants.
JEANNETTE. — Je vais lui donner du bâton, ça vaudra mieux.
PIERROT. — N'essaie pas, tu m'entends ! J'aime mon chien. (Il la repousse, elle sort.) Va te promener, mademoiselle Falbalas, nous n'avons pas besoin de toi. Attention à ses volants et à ses rubans ! Trois-Pattes s'en moque de sa belle robe... Bon, la voilà qui revient encore !
JEANNETTE, entrant. — Ah ! mes amis, si vous saviez ce qui m'arrive ! Ma pauvre Pierrette, que je suis désolée !...
PIERROT. — On est donc tes amis, à présent ?
JEANNETTE. — Ne sois pas fâché, Pierrot. J'ai perdu mon bracelet au fond du jardin, impossible de le retrouver. Jamais je n'oserai rentrer chez nous, maman va me punir.
PIERROT. — Elle fera bien, ta maman.
JEANNETTE. — Ô mon petit Pierrot, pardonne-moi de vous avoir fait de la peine. (Elle pleure.) Je suis... trop désolée !... trop... désolée !
PIERRETTE. —Allons, viens, nous chercherons avec toi.
PIERROT. — Restez là, je connais quelqu'un qui va retrouver le bracelet plus vite que vous.
JEANNETTE. — Vrai ! Qui donc ?
PIERROT. — Trois-Pattes, que tu avais si envie de bâtonner. Il n'est pas boudeur, lui. Pstt ! Pstt ! viens vite, mon vieux ! (Il l'emmène et sort avec lui. On entend sa voix.) Cherche ! cherche !... Apporte !... (Il rentre.) Voilà votre bracelet, mademoiselle, et je vous salue bien.
JEANNETTE. — Merci, mon brave Pierrot. (Elle l'embrasse.) Ah ! Merci ! je suis si contente !... Merci, Trois-Pattes ; nous serons toujours amis maintenant (Elle l'embrasse). Pierrette, Marceline, venez avec moi ; je vais aller poser mon bracelet ; je quitterai aussi ma robe pour mettre un tablier comme vous et nous irons ensuite nous promener.
PIERROT, seul. — Bon ! les voilà réconciliées. Tout de même, elle a eu peur, Jeannette ; une autre fois, elle ne sera pas si fière.
RIDEAU