THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

LE  BAIN  DE  MARCEL
 

Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot

1907

 


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5568467w.r=Th%C3%A9%C3%A2tre+et+marionnettes+pour+les+petits%2C+par+Mme+Girardot.langFR
 


PERSONNAGES

MAMAN DE MARCEL. - MARCEL. - PIERRETTE. - TANTE CLAUDINE.
PIERROT. — PETIT-JEAN. — MARCELINE ET JEANNETTE.

ACCESSOIRES

Huit poupées. — Une baignoire. — Une table avec cinq couverts. — Au fond de la scène une cuisinière garnie de casseroles.


MAMAN. — Marcel, j'ai honte de toi ; tout le monde dit que tu es malpropre, qu'on te voit toujours avec la figure et les mains noires, tandis que tes camarades sont gentils avec leurs joues roses. Voici la baignoire, tu vas prendre un bain.


MARCEL, se débattant. Oh ! non, maman !... J'ai trop peur !... Hi, hi, hi !... Je ne veux pas !...


MAMAN. — Comment, tu ne veux pas ? C'est ce que nous verrons. (Elle l'empoigne.) Je m'en vais te déshabiller, tais-toi !


MARCEL, criant et trépignant. Non, non, non !... Je ne veux pas, je ne veux pas !...


MAMAN, le fouettant. Tiens !... tiens ! Tu mériterais que je te plonge la tête dans la baignoire pour crier aussi fort. (Elle le met dans un coin.) Reste là !... quand tu seras décidé, je reviendrai. Gare, si je t'entends !... et puis, tu sais, je ferme la porte à clé.


MAMAN, seule. Oh ! je le corrigerai !... Il le faut bien. Je ne veux pas qu'il garde la mauvaise habitude de sa malpropreté.


PIERRETTE, entrant. Bonjour, Madame ; je viens chercher Marcel. Tante Claudine nous invite à dîner ce soir chez elle. Nous serons six : Marceline, Jeannette, Petit-Jean, Marcel, Pierrot et moi ; nous allons bien nous amuser.


MAMAN. — Ma petite fille, je regrette beaucoup, mais Marcel n'ira pas ; il est puni ; viens le voir, si tu veux.

(Elles entrent dans la chambre de Marcel.)


PIERRETTE. — Pourquoi est-il puni, Madame ?


MAMAN. — Mais, figure-toi qu'il a peur de l'eau ! Monsieur ne veut pas prendre son bain, il crie à faire tomber la maison.


PIERRETTE. — Il ne veut pas prendre son bain ?... Moi qui suis si contente de me baigner !... Marcel, dépêche-toi, et tu viendras avec nous ; si tu savais le bon dîner que tante Claudine nous prépare ! Mon cousin Paul jouera de l'accordéon et nous danserons toute la soirée.


MAMAN. — Allons, tu entends, dépêche-toi...


MARCEL. — Non, non... J'ai peur !... Non, non !...


MAMAN. — Bien, laissons-le, il n'ira pas.


MARCEL, criant. — Maman, maman !... je me baignerai une autre fois !...


MAMAN. — Non, tout de suite !... Viens, Pierrette, laissons-le tout seul.


(Elles sortent.)


MARCEL, seul, courant à travers la chambre en criant. — Hi, hi, hi... Je voudrais bien me sauver !... Si je passais par la fenêtre ?...Tiens, la porte n'est pas fermée à clef ; maman a oublié... Quel bonheur ! (Il se sauve.) Je sais bien où elle demeure, sa tante Claudine... Je vais arriver le premier, ce sera bien fait !... (Il entre chez tante Claudine.) Bonjour, Madame !


TANTE CLAUDINE. — Bonjour, mon ami ! tu es en avance.


MARCEL. — Oui, j'ai couru pour arriver avant les autres.


TANTE CLAUDINE. — Oh ! les autres ne sont pas bien loin ; je les aperçois au bout de la rue.


MARCEL. — Comme ça sent bon chez vous !


TANTE CLAUDINE. — Ah ! Ah ! mon petit homme ! tu vas te régaler ; j'ai fait rôtir un bon poulet. Aimes-tu la crème au chocolat ?


MARCEL. — Oh ! oui, Madame !


TANTE CLAUDINE. — J'en ai fait une qui sera excellente.


PIERROT, entrant. Bonjour, ma tante. (Il l'embrasse.) Tu es là, Marcel ? Je croyais que tu ne devais pas venir.


MARCEL. — Cela me faisait trop de peine, je me suis sauvé.


PIERRETTE, entrant. Oh ! il s'est sauvé ! que dira sa maman !


TANTE CLAUDINE, le regardant mieux. - Comme tu es noir ! — Mon petit garçon, quand on va dîner chez quelqu'un, on tâche d'être propre ; tu ne t'es pas même lavé les mains, quelle horreur !... Passe vite à la pompe !


PIERROT. — En entrant, moi je ne le reconnaissais pas ; je le prenais pour un ramoneur.


MARCELINE. — Ah ! les cornes ! les cornes !


JEANNETTE. — Je ne veux pas me mettre à côté de lui !...


PETIT-JEAN. — Moi non plus.


TANTE CLAUDINE. —Tu entends ? Allons, cours vite te laver, tu reviendras, nous n'aurons pas tout mangé.


MARCEL, se sauvant. Oh ! non, je ne reviendrai pas ! j'ai eu trop honte... Sont-ils méchants !... Comme je suis malheureux ! Et le poulet qui sentait si bon !... La crème au chocolat... Oui, la bonne crème, ils vont toute la manger !... Et maintenant, si maman me punit encore ?...


MAMAN, très en colère. — Ah ! te voilà ?... Moi, qui te cherche depuis une heure !


MARCEL. — Ne te fâche pas, maman, je viens prendre mon bain... Je ne
crierai plus. Je le prendrai toujours quand tu me le commanderas.


MAMAN. — À la bonne heure ! Tu n'as donc plus peur de l'eau ?


MARCEL. — Non, maman, tu verras, je vais entrer tout seul dans la baignoire.


MAMAN. — J'en suis très contente. Tu as compris, sans doute, que la malpropreté est un très vilain défaut qui répugne tout le monde. Vois-tu, j'étais bien désolée quand j'entendais les voisins se dire : « Ce garçon-là ne sera jamais propre ! » Allons, déshabille-toi ; je vais remettre de l'eau chaude dans la baignoire.



RIDEAU




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