L'OMELETTE
Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot
1907
PERSONNAGES
TANTE CLAUDINE — PIERRETTE — MARCELINE — JEANNETTE
UN CHIEN — PIERROT
ACCESSOIRES
5 poupées. — Un chien en bois ou en carton. — Un panier.
Pierrette est assise dans un coin de la scène
TANTE CLAUDINE, entrant, un panier à la main. — Dis-moi, ma petite Pierrette, tu as de bonnes jambes ; va donc m'acheter une demi-douzaine d’œufs.
PIERRETTE, se levant. — Oui, ma tante, je serai vite revenue.
TANTE CLAUDINE. — Ah ! ne cours pas, tu ferais l'omelette sur la route, et, moi, je veux la faire ici, dans ma poêle. Sais-tu combien ça fait une demi-douzaine d’œufs ?
PIERRETTE. — Six, ma tante.
TANTE CLAUDINE. — Très bien. Voilà huit sous pour les payer ; tu vois, c'est cher, ne les casse pas, ces œufs. Prends ce petit sou pour ta commission.
PIERRETTE. — Merci, ma tante ; vous êtes bien bonne. (Elle sort.)
(Marceline et Jeannette arrivant chacune d'un côté.)
MARCELINE. — Bonjour, Jeannette.
JEANNETTE . — Bonjour, Marceline.
(Elles s'embrassent.)
MARCELINE. — Tu es bien joyeuse, aujourd'hui, tu as l'air contente.
JEANNETTE . — Oui, papa m'a donné deux sous, parce que j'ai aidé maman à plier le linge de la lessive.
MARCELINE. — Et qu'est-ce que tu vas en faire de tes deux sous ?
JEANNETTE . — Veux-tu que nous achetions une corde à sauter ?
MARCELINE, qui bat des mains. — Oui, oui, moi qui aime tant sauter à la corde ! Tiens, regarde. (Elle saute.) Je compte jusqu'à vingt sans me tromper.
JEANNETTE . — Moi aussi, tu verras. Nous irons chercher Pierrette, et nous demanderons à Pierrot s'il veut jouer avec nous.
MARCELINE. — Allons-y tout de suite, nous choisirons la corde ensemble, ce sera bien plus agréable.
JEANNETTE . — Allons ; j'en ai vu de jolies en passant devant le bazar.
(Elles sortent.)
PIERRETTE, seule, portant son panier. — Je voudrais bien me dépêcher, mais il ne faut pas que je marche vite ; des œufs, c'est sitôt cassé. La marchande m'a dit qu'ils étaient frais, tant mieux, tante Claudine sera contente.
UN CHIEN, arrivant en aboyant. — Houa ! Houa ! Houa !
PIERRETTE. — On dirait qu'il a envie de me mordre.
LE CHIEN, la poursuivant. — Houa ! Houa ! Houa !
PIERRETTE, courant. — Ah ! mon Dieu ! il est peut-être enragé... Au secours ! au secours !...
PIERROT, arrivant. — Qu'est-ce que tu as, Pierrette, à crier si fort ? C'est à cause du chien ?... Attends, je vais le chasser.
(Il le poursuit avec de grands gestes.)
PIERRETTE, pleurant. — Ah ! mon pauvre Pierrot, vois donc ma robe, mon panier !...
PIERROT. — Tiens, on dirait que tu as fait une omelette.
PIERRETTE. — J'ai cassé les œufs que tante Claudine m'a envoyé chercher.
PIERROT. — Allons bon !...
PIERRETTE, regardant le panier. — Comment faire ?... Il y en a trois de cassés ; juste la moitié, j'en avais six.
PIERROT. — Si on pouvait en racheter trois... As-tu des sous ?
PIERRETTE. — J'en ai un que ma tante m'a donné.
PIERROT. —Moi, j'en ai un aussi, ça fait deux. Combien coûtent-ils tes œufs ?
PIERRETTE. — Huit sous.
PIERROT. — Mâtin ! c'est quatre sous qu'il nous faudrait pour en acheter trois... Allons, ne pleure pas tant, tu ne seras peut-être pas punie.
PIERRETTE. — Hi, hi, hi ! Je n'ai pas peur d'être punie, c'est parce que tante Claudine est très bonne et que ça me fait de la peine de la faire fâcher.
(Marceline et Jeannette accourant.)
JEANNETTE . — Que faites-vous par ici ? Nous vous cherchons depuis longtemps. Tu pleures, Pierrette
PIERROT. — Oui, elle vient de faire une belle omelette.
MARCELINE. — Oh ! des œufs pour ta maman ?...
PIERRETTE. — Non, pour ma tante.
PIERROT. — C'est bon, viens à la maison, et maman te donnera des sous pour retourner chez la marchande.
JEANNETTE . — Des sous ? Moi, j'en ai deux ; cela fait-il assez ?
PIERROT. — Oui, mais nous ne voulons pas te prendre tes deux sous.
JEANNETTE . — Je n'en ai pas besoin, c'était pour acheter une corde, et voilà que je n'ai plus envie du tout de sauter à la corde.
PIERROT. — Eh bien, alors, il faut les prendre, Pierrette ; tu les lui rendras, voilà tout.
PIERRETTE. — Ma bonne Jeannette, je te remercie bien ; si tu savais comme j'étais désolée !...
MARCELINE. — Moi, je n'ai pas de sous, mais je voudrais tout de même vous aider un peu ; j'irai laver le panier et les œufs à la pompe pendant que Pierrette retournera chez la marchande.
PIERROT. — C'est ça, Marceline, viens laver le panier avec moi.
(Ils sortent en courant.)
JEANNETTE . — Tante Claudine ne s'apercevra de rien.
PIERRETTE. — Grâce à toi, le malheur sera bientôt réparé. Tu es bien gentille.
JEANNETTE . — Ça me fait plaisir de te rendre service. Une autre fois, ce sera ton tour.
PIERRETTE. — Oui, oui, sois tranquille, ma bonne Jeannette.
(Elle l'embrasse et elles sortent.)
RIDEAU