JEANNETTE QUI GROGNE ET JEAN QUI RIT

 

Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5568467w.r=Th%C3%A9%C3%A2tre+et+marionnettes+pour+les+petits%2C+par+Mme+Girardot.langFR



PERSONNAGES

JEANNETTE — PETIT-JEAN — MARCELINE
MAMAN DE JEANNETTE ET PETIT-JEAN

ACCESSOIRES
Quatre poupées. — Une chaise et une table.

JEANNETTE, cherchant quelque chose, de mauvaise humeur. — Je ne retrouve plus mon livre d'images, qui peut bien me l'avoir pris ?... Je l'avais mis là, sur cette table... Petit-Jean ! Petit-Jean !...

PETIT-JEAN, accourant, très joyeux. — Voilà ! Voilà ! ma petite Jeannette... Oh ! oh ! tu n'es pas gracieuse, tu as ta mauvaise figure.

JEANNETTE. — Non, certainement, je ne suis pas gracieuse.

PETIT-JEAN. — Eh bien, moi, depuis que je suis levé, je chante.

JEANNETTE. — Je ne te demande pas si tu chantes ou si tu pleures. Qu'as-tu fait de mon livre d'images ?

PETIT-JEAN. — Mais... je ne l'ai pas touché ton livre.

JEANNETTE. — Avec ça que tu te gênes pour prendre mes affaires ! Je le dirai à maman.

PETIT-JEAN qui veut l'embrasser. — Tu n'es pas gentille, pas gentille du tout. Allons, embrasse-moi et je t'aiderai à chercher.

JEANNETTE, le repoussant. — Laisse-moi, tu m'ennuies !

PETIT-JEAN, pirouettant deux ou trois fois en chantant :

Ainsi font, font, font

Les petites marionnettes,

Ainsi font, font, font

Trois petits tours et puis s'en vont.

(Il s'incline jusqu'à terre et sort.)

JEANNETTE, trépignant. — Je le dirai à maman ! Je le dirai à maman !

BRUIT. — Toc ! Toc !

JEANNETTE. — On n'entre pas.

MARCELINE, du dehors. — C'est moi, Jeannette. Je viens te chercher pour aller au square.

JEANNETTE. — Entre si tu veux, mais je n'irai pas au square.

MARCELINE, entrant. — Tu es donc malade, tu es toute rouge ?

JEANNETTE, boudeuse. — Non.

MARCELINE. — Alors, tu boudes.

JEANNETTE. — Tu me dis toujours ça, toi. Faudrait-il me mettre à danser pour te faire plaisir ?

MARCELINE. — Tu pourrais, du moins, être plus aimable ; tu n'es pas jolie avec cette mine-là. Viens-tu jouer à cache-cache ? Pierrette et son frère nous attendent ; Petit-Jean vient d'arriver gai comme un pinson.
 

JEANNETTE. — C'est encore pour me dire que Petit-Jean a meilleur caractère que moi que tu es venue ?

MARCELINE. — Oh ! pas du tout. Tiens, je m'en vais, ne te fâche plus, adieu.

JEANNETTE, se promenant à travers la chambre en pleurant. — Que je suis... mal... heureuse ! on... me laisse... toute seule... personne... ne m'aime. J'irai au square, na ! et je ne jouerai pas avec Marceline. (Elle regarde au dehors.) Bon ! maintenant que je veux sortir, voilà qu'il pleut... Qu'est-ce que je vais faire ?... Si Petit-Jean ne s'était pas sauvé, nous jouerions à pigeon vole. (Elle pleure et trépigne.) Ah ! Maman ! Maman !...

MAMAN, accourant. — Eh bien, Jeannette, qu'est-ce qui arrive ?

JEANNETTE. — Maman, je m'ennuie, on m'a pris mon livre d'images... et puis... on me laisse toujours toute seule.

MAMAN. — Mais, ma chère enfant, tu le mérites ; on te voit sans cesse avec un visage renfrogné, un air boudeur. Qui veux-tu donc qui se plaise avec toi, tu n'es jamais gracieuse, et tu te fâches pour la moindre chose. Personne ne t'a pris ton livre, c'est toi qui l'as oublié hier soir au jardin. Écoute !... voici ton frère qui rentre. Du matin au soir on l'entend rire ou chanter ; aussi, ses camarades l'aiment beaucoup.

PETIT-JEAN, du dehors. — Il pleut, il pleut, bergère,

Ramène tes moutons.

(Il entre, embrasse sa maman et sa sœur.)

     Il pleut, maman, je me suis dépêché de rentrer. Si Jeannette veut s'amuser avec moi, je vais aller chercher ma boîte de constructions.

MAMAN. — Bien, mon petit, mais il faut que ta sœur soit gentille et nous fasse meilleure figure. Si elle boude encore, laisse-la dans son coin et viens avec moi.

JEANNETTE, suppliante. — Non, non, maman ! Qu'il reste, je ne bouderai plus.

MAMAN. — À la bonne heure ! Moi qui suis toute fière de mon petit Jean qui rit sans cesse, je ne veux pas avoir une petite Jeannette qui grogne toujours.

RIDEAU