DEUX ENFANTS POLIS
Théâtre et marionnettes pour les petits, par Mme Girardot
1907
PERSONNAGES
MARCELINE. — MARCEL. - UNE VIEILLE DAME. -
PIERRETTE - PIERROT - LA MAÎTRESSE
ACCESSOIRES
Six poupées. — Un panier. — Un parapluie. — Une gravure représentant la façade d'une école
ou d'une maison quelconque.
(Marceline et Marcel sont sur le chemin de l'école. — Marcel reste en arrière et s'arrête de temps en temps pour jouer aux billes.)
MARCELINE. — Dépêche-toi un peu, Marcel, nous arriverons en retard et madame nous grondera.
MARCEL. — Je marche plus vite que toi, je saurai bien te rattraper.
(Une vieille dame est arrêtée au milieu de la route où Marceline passe.)
UNE VIEILLE DAME, s'approchant. — Dites-moi, ma petite fille, est-ce bien le chemin qui conduit à Saint-Pancrace ? J'arrive de la gare et je ne suis encore jamais venue par ici.
(Marceline baisse la tête et passe vite sans répondre.)
LA VIEILLE DAME. — Cette enfant n'est pas polie du tout ; la voilà qui se sauve, est-ce que je lui fais peur ?... Voyons si ce petit garçon est moins sauvage. (Elle va vers Marcel qui continue à jouer.) Hé ! mon petit ami, écoutez un peu, j'ai quelque chose à vous demander.
(Marcel ne se dérange pas.)
LA VIEILLE DAME. — Vraiment, les enfants sont bien mal élevés par ici... Comment vais-je faire ? Je ne connais pas du tout le chemin, et je ne vois personne pour me renseigner. Ah ! voici deux autres enfants qui viennent en se donnant la main ; ils sont gentils ; c'est le frère et la sœur, sans doute.
PIERRETTE et PIETTOT arrivent en face de la dame et saluent poliment. — Bonjour, madame.
LA VIEILLE DAME. — Bonjour, mes enfants. Pourriez-vous me rendre un petit service ?
PIERRETTE. — Oh ! oui, madame.
LA VIEILLE DAME ; — Je suis très embarrassée pour aller jusqu'à Saint-Pancrace, car je ne connais pas le chemin ; j'ai peur de m'être trompée.
PIERROT. — Non, madame, c'est bien la route qui mène à Saint Pancrace, nous y allons à l'école.
LA VIEILLE DAME. — En ce cas, mes enfants, faisons le chemin ensemble.
PIERRETTE. — Oui, madame, alors donnez-moi, s'il vous plaît, votre parapluie, vous marcherez plus facilement.
LA VIEILLE DAME. — Vous êtes bien aimable, ma petite fille. Prenez donc, puisque vous aimez à rendre service.
PIERROT. — Moi, madame, je porterai votre panier.
LA VIEILLE DAME. — Merci, mon ami, mon panier est un peu lourd, je ne veux pas vous fatiguer.
PIERROT. — Oh ! je suis fort, madame, j'ai six ans, et je porte bien le panier de maman quand elle revient du marché.
LA VIEILLE DAME. — Allons, tenez (elle lui donne son panier). Vous êtes deux braves enfants, très complaisants. Maintenant je vais marcher à mon aise. Serons-nous bientôt arrivés ?
PIERROT. — Oui, madame, on aperçoit déjà notre école, voyez là-bas...
LA VIEILLE DAME. — Je ferai compliment à votre maîtresse d'avoir des élèves aussi gentils.
PIERRETTE. — Madame nous recommande bien de rendre service chaque fois que nous le pouvons.
LA VIEILLE DAME. — Alors, je vois que vous profitez de ses leçons; continuez, mes petits enfants, et tout le monde vous aimera.
PIERROT. — Nous voici arrivés, madame, faut-il vous conduire plus loin ?
LA VIEILLE DAME. — Non, mon ami, je m'arrête ici, je suis la mère de votre maîtresse. Tenez, elle nous a vus, la voilà qui arrive.
(La maîtresse arrive en courant et embrasse sa mère.)
LA MAITRESSE. — Quelle bonne surprise, ma chère maman ! Je ne t'attendais pas. Tu avez donc bien trouvé le chemin ?...
LA VIEILLE DAME. — Grâce à ces deux enfants que j'ai rencontrés sur la route ; ils ont même voulu porter mon panier et mon parapluie.
LA MAITRESSE. — Très bien, mon petit Pierrot (elle l'embrasse). Je vous félicite, ma gentille Pierrette (elle l'embrasse). Votre politesse me fait grand plaisir.
LA VIEILLE DAME. — Merci encore, mes enfants, je demanderai à ma fille de vous amener un jour avec elle, quand elle viendra me voir. (Elle entre dans la maison avec la maîtresse.)
(Marceline et Marcel, dans un coin, ont suivi la scène.)
MARCELINE. — C'était la mère de la maîtresse !...
MARCEL. — Ah ! si j'avais su !...
MARCELINE. — Nous n'avons pas été polis.
MARCEL. — C'est vrai. Pourvu qu'elle ne nous reconnaisse pas ! j'aurais trop honte...
MARCELINE. — Moi je n'ai pas osé répondre parce que je ne connaissais pas cette dame.
MARCEL. — Et moi, j'étais en train de jouer, je n'ai pas fait attention à ce qu'elle m'a demandé.
MARCELINE. — Nous avons eu tort tous deux, mon pauvre Marcel. Je regrette beaucoup. Madame était si contente de voir sa mère !...
MARCEL. — Oui, elle a même embrassé Pierrette et Pierrot.
MARCELINE. — Une autre fois nous ferons comme eux, dis ?
MARCEL. — Oh ! oui, parce qu'on nous dit toujours qu'il faut être poli avec tout le monde.
RIDEAU