THÉÂTRE  DE  MARIONNETTES
 
 

DAVID  ET  GOLIATH

http://urlz.fr/674m

d'après Laure BERNARD

pièce biblique

1837

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2042864/f1.image.r=bernard%20laure.langFR


 


 

NOTE DU WEBMESTRE : Cette pièce, destinée à l'origine pour des marionnettes à fils, est également présente sur la page :

http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/david-et-goliath.php

pour une version en ombres chinoises.



NOMS  DES  PERSONNAGES.



SAÜL, Roi d'Israël.
JONATHAN, Fils du Roi.
JISCUI, Fils du Roi.
MALKISCUAH, Fils du Roi.
ABNER, général des armées de Saül.
SAMUEL, Grand Pontife, démis de sa charge.
ISAÏE, Ancien de Bethléem.
DAVID, son fils,
ÉLIAB, son plus jeune fils Les sept enfants
AB1NADAB enfant d'Isaïe.
Quatre autres enfants d'Isaïe, personnages muets.
GOLIATH (le géant ), Philistin.
AHINOHAM ( la reine) femme de Saü!.
MÉRAB, fille de la Reine.
MICAB, fille de la Reine.
Les Anciens de Bethléem.
Des Officiers de Saül.
Un Médecin.
Un homme d'armes à la suite de Jonathan
Un Héraut d'armes.
Un Courrier.
Des Soldats.
Chœur de jeunes filles Israélites.
Danseurs et Danseuses.




ACTE  PREMIER.

SCÈNE  PREMIÈRE.

JONATHAN,  SAMUEL.



JONATHAN. - Souverain pontife Samuel, le roi, mon père, m'envoie vers vous pour savoir quelle est la volonté de l'Éternel, et pourquoi il a retiré sa faveur de dessus son peuple.


SAMUEL. - Allez Jonathan retournez vers Saül auquel vous donnez à tort le nom de Roi. L’Éternel l'avait élu, pour lui obéir et gouverner son peuple avec sagesse, Saül a méconnu les ordres du Seigneur, et le Seigneur l'a rejeté.


JONATHAN. - Nous offrirons par vos mains des sacrifices pour apaiser la colère céleste.


SAMUEL. - Obéir, vaut mieux que sacrifier. Les holocaustes ne rachètent pas les vices auxquels on n'a pas renoncé. J'ai longtemps pleuré et prié pour que Saül eût le cœur touché en faveur du peuple, et qu'il rentrât en grâce devant le Seigneur. Le temps de la clémence est passé ; je n'ai plus à transmettre que l'annonce de la vengeance divine.


     (Le Grand-Prêtre rentre dans le temple.)


JONATHAN seul. - Comment aller porter ces tristes paroles à mon père ? Déjà le malin esprit s'est emparé de lui. Il souffre de grandes douleurs dans son corps, et semble parfois ne plus être en possession de sa raison.


     (Jonathan s'en va.)




ACTE  I,  SCÈNE  II.

SCÈNE  DEUXIÈME.



     Un changement de décoration à vue représente le village de Bethléem. Plusieurs habitants d'un aspect vénérable parcourent la place publique et se parlent d'un air effrayé.



HABITANTS,  SAMUEL,  ISAÏE,  ÉLIAB,

ABINADAB,  DAVID.



UN ANCIEN. - Avez-vous entendu annoncer la grande nouvelle ?


UN AUTRE VIEILLARD. - Sans doute, le pontife arrive à Bethléem mais nul ne sait s'il vient pour notre bien ou pour notre malheur.


UN ANCIEN. - Où est le temps où Samuel plein de force et de sagesse, gouvernait à lui seul le peuple d'Israël ? Depuis que nous avons un roi, tous les malheurs fondent sur nous.


SECOND VIEILLARD. - Samuel nous l'avait prédit en cédant à nos vœux. La royauté devait nous perdre.


UN ANCIEN. - Les jeunes gens méprisent l'expérience des vieillards. Ils souhaitaient un chef pour les conduire à la guerre, comme en ont les autres peuples. Tous les avertissements du pontife ont été inutiles pour changer leur volonté.


SECOND VIEILLARD. - Il faut avouer que les fils de Samuel avaient soulevé de grands mécontentements par leurs injustices.


UN ANCIEN. - Saül vaut-il mieux que Joël ou Abéja ?


SECOND VIEILLARD. - Hélas non ! Mais combien est grande la détresse d'Israël !


     (Une foule de juifs arrivent sur le théâtre.)


PLUSIEURS VOIX. - Voici le pontife ! que le Seigneur nous bénisse par son organe.


SAMUEL. - Peuple de Bethléem, bannissez toute crainte, la mission dont je suis chargé tournera à votre gloire. C'est parmi vous que je dois choisir un nouveau roi. Nous allons prier en commun et faire un sacrifice, car vos offrandes seront agréables à Dieu, et avant que le soleil se couche, je saurai quel est celui que le Seigneur a nommé pour occuper la place dont Saül s'est rendu indigne.


     (s'adressant à un des anciens.)


     Soyez attentif à rassembler tous les hommes de la tribu, car le sort peut tomber sur le plus faible aussi bien que sur le plus puissant, si telle en est la volonté divine.


     (Le pontife s'en va pour accomplir le sacrifice le peuple le suit dans un respectueux silence.)


Entracte de quelques instants.



     (Isaïe, un des principaux habitants de Bethléem, reparaît sur la scène entouré de six de ses fils.)


ISAÏE. - Mes fils, Samuel a déclaré que la royauté appartiendrait à l'un de vous ; je vous ai donc appelés pour vous présenter au Pontife et le prier de désigner celui qui est destiné au dangereux honneur de remplacer Saül.


ÉLIAB. - Je ne vois point mon jeune frère David.


ISAÏE. - Éliab, sa présence. est inutile pour ce qui va se passer. David est le plus faible d'entre vous et le dernier né. Il ne saurait être compté pour quelque chose. Je l'ai donc envoyé comme à l'ordinaire, paître les brebis. Qu'en pensez-vous Abinadab ?


ABINADAB. - David est habile à jouer de la harpe, Il a la parole douce, mais son âge l'a jusqu'ici exempté de faire ses preuves de courage et de force. Mon père a bien raison de ne pas l'appeler aujourd'hui.


SAMUEL. - (Il revient sur la place publique et s'assied sur un banc de pierre.) Maintenant que le Seigneur a daigné mettre son esprit en moi, je vais reconnaître celui que je dois sacrer roi. Isaïe et ses fils sont ils ici ?


ISAÏE. - Nous nous sommes rendus à votre commandement.


     (Ils s'avancent et passent l'un après l'autre devant Samuel.)


SAMUEL.. - La parole du Seigneur ne trompe pas, et cependant aucun de ceux-ci n'est désigné pour la royauté. Isaïe, est-ce là. toute votre famille ?


ISAÏE. - J'ai encore un fils ; mais il est bien jeune sa taille est petite ; néanmoins, si vous souhaitez le voir, je puis le faire venir, car il est près d'ici à garder nos troupeaux.

     (On entend les sons d'une harpe ; tout le monde écoute dans un respectueux silence.)



SAMUEL. (d'un ton inspiré.) - Celui que le Seigneur a choisi arrive en ce lieu, il n'est pas besoin de l'aller chercher, il se rend de son propre mouvement à la volonté de l'Éternel.

     (David entre en tenant sa harpe. A la vue du peuple assemblé, il reste frappé d'étonnement ; puis, reconnaissant le Pontife, il s'approche vers lui et se prosterne à ses pieds.)


SAMUEL. (Il impose les mains sur la tête du berger.) - Peuple d'Israël voilà votre roi le Seigneur a retiré son esprit de Saül. David a hérité de la parole divine.


DAVID. - Quel changement s'opère subitement en moi ! Tout à l'heure j'étais faible et paisible, et me voilà rempli d'une force surnaturelle pour combattre les ennemis du peuple de Dieu et soutenir la gloire des enfants d'Israël.



ACTE  DEUXIÈME.

SCÈNE  PREMIÈRE.

Intérieur du palais de Saül.

LA  REINE,  SAÜL,  MÉRAB,  MICAL,
un Médecin, un Courrier.




     (Le Roi parait absorbé dans une profonde tristesse. Il est sur son trône ; la Reine s'approche de lui.)


LA REINE. - Quel nouveau malheur est donc venu obscurcir la sérénité du maître d'Israël ?


SAÜL. - Mon fils Jonathan n'a pu fléchir Samuel. et le mal qui m'accable a redoublé d'intensité.

LA REINE. - Il ne convient pas à un roi de se laisser abattre par la parole d'un vieillard. Cherchez à vous distraire ; de braves guerriers sont en campagne pour vous défendre vous et votre famille.


SAÜL. - Reine Ahinoham, vous parlez comme une femme ; mais, moi, je ne saurais me consoler d'avoir perdu la force de guider mes soldats. Abner, mon oncle, le chef de mes armées a déjà essuyé plusieurs défaites, et tous les jours d’insolents messages annoncent l'approche des Philistins vers nous.


     (Un courrier, arrivant de l'armée, est introduit.)


LA REINE. (Elle lui parle à demi-voix.) - Au nom du Ciel, si tu as quelque nouveau malheur à nous apprendre, envoyé d'Abner, ménage bien tes paroles devant le roi, car sa vie est en danger en ce moment.


LE COURRIER. - Il me siérait mal de mettre de la prudence à l'instant où l'armée ennemie s'avance sur mes pas.


SAÜL. - Quel motif vous porte, Ahinoham .à retenir cet homme à l'écart ? J'entends qu'il s'exprime librement devant moi, et s'il ment d'un seul mot à ce qu'on lui a chargé de m'annoncer, je le fais pendre au sortir de l'audience.


LE COURRIER. - Le général Abner m'envoie dire au roi que les ennemis sont campés à Secco, où ils ont recruté de nouvelles forces, et qu'il est à propos que vous leviez des troupes fraîches afin de tenir tête aux Philistins.


SAÜL. - Abner sait bien que toutes les ressources sont épuisées et s'il parle ainsi, c'est pour augmenter le découragement de l'armée. Rapportez-lui que, plein de colère contre lui, je vais aller moi-même prendre le commandement des Israélites.


LA REINE. - Mes filles, nous suivrons votre père.


     (Les princesses. Mérab et Mica! font un signe de consentement.)


     (L'envoyé se retire.)


SAÜL, à la Reine. - Princesse, faites retirer au plutôt toute la cour, car je sens que le malin esprit va revenir en moi.


LA REINE, à haute voix. - Le roi désire être seul. (Elle prend un officier à part.) Faites venir le médecin.


     (Les princesses restent auprès de leur mère. Saül tombe évanoui. Le médecin arrive et lui donne des secours infructueux.)


MÉRAB. - Hélas ! Mica!, bientôt nous n'aurons plus de père.


MICAL. - Je ne saurais, Mérab, prévoir un si grand malheur; et je donnerais ma vie pour rendre la santé au roi.


LA REINE. - Mes filles savez-vous où sont vos frères ?


MICAL. - Jiscui et Malkiscuah ne sont pas revenus du camp depuis hier. Jonathan est parti pour échapper à la colère du roi.


LA REINE. - Qui sait si son oncle voudra appuyer ses droits à la couronne ?


MICAL. - La royauté a amené bien des périls et des soucis dans notre famille.


LA REINE, au médecin. - Reprend-il ses sens ?


LE MÉDECIN. - Le roi éprouve en ce moment d'effrayantes convulsions.


LA REINE. - 0 ciel !


MÉRAB. - N'avez-vous aucun moyen de le guérir ?


LE MÉDECIN. - Peut-être qu'une douce harmonie calmerait ses transports ; envoyez chercher quelque habile musicien, nous essaierons de cette influence.


MICAL. - Je deviendrais volontiers la femme de celui qui sauverait mon père, fût-il le dernier des Israélites.


MERAB. - Comme votre aînée, je réclamerais, ma sœur, l'honneur de récompenser un pareil succès, mais seulement si le musicien était digne de moi.


MICAL. - Je vais faire prendre des informations dans le palais, et donner des ordres pour qu'on cherche dans tout le royaume le plus habile des musiciens.


     (Elle sort.)


SCÈNE  DEUXIÈME.

(Changement de décor.)


 

     Le camp israélite. Des tentes ouvertes sur le premier plan. Des soldats dans le lointain. Abner, l'oncle de Saül et général de l'armée, est dans une de ces tentes. Les fils de Saül, Jiscui et Malkiscuah, sont dans l'autre. Un officier est auprès d'Abner. L'armée ennemie occupe les hauteurs.


ABNER,  JISCUI,  MALKISCUAH,  JONATHAN.



ABNER. - Saül répond à mes avis par des menaces. Le pontife prophétise la ruine de notre famille. Avec mon armée démembrée, je ne puis rien entreprendre, mon courage est épuisé. Je remettrai sans regret mon commandement entre les mains du Roi.


     (Jiscui et Malkiscuah causent ensemble à leur tour.)


JISCUI. - Jonathan nous avait promis de venir nous rejoindre. Il aime mieux demeurer dans le palais du roi que de risquer sa vie ici.


MALKISCUAH. - Mon frère, souffrirons-nous, après cet abandon, qu'il devienne un jour notre maître et succède au roi mon père ?


JISCUI. - J'ai déjà suffisamment indisposé les soldats contre lui ; et, quand il viendra, l'accueil qu'on lui prépare dans le camp abaissera un peu son orgueil.


     (Jonathan arrive suivi d'un jeune homme qui porte ses armes. Il pénètre d'abord dans la tente d'Abner.)


ABNER. - Ah ! je vous vois enfin ; mon neveu, quelles nouvelles apportez-vous de la cour ?


JONATHAN. - Tout y est tristesse et malheur comme dans ce camp mais si le Seigneur daigne protéger mon dessein je viens vous offrir les moyens de sauver Israël.


ABNER. - Parlez, mon neveu ; j'ai autant de confiance en votre prudence qu'en votre courage.


JONATHAN. - En approchant de ce lieu, j'ai vu sur la hauteur briller les feux des ennemis. Si l'armée descend vers nous, nous sommes perdus. Je viens donc vous demander de me confier quelques troupes pour les débusquer de cette position ; un heureux coup de main rendrait la confiance à l'armée.


ABNER. - Ce que vous demandez est impossible, Jonathan mon pouvoir est trop ébranlé pour que je puisse trouver ainsi des hommes prêts à courir vers un péril certain. Adressez-vous à la bonne volonté des soldats ; ce que vous ferez, je l'approuverai.


JONATHAN. (Il entre dans la tente de ses frères et les embrasse tour à tour.) Princes,. je compte sur vous pour me seconder en un grand dessein ; commandez vos serviteurs les plus vaillants, et venez avec moi vers les hauteurs de Mie-Mas pour déloger l'ennemi. Répondrez vous à mes vœux, Jiscui ?


JISCUI. - Jonathan, si vous êtes las de vivre, il n'en est pas encore ainsi de moi, et je compte attendre le retour de mon père dans le camp avant de rien entreprendre. Ce que Saül ordonnera, alors je le ferai.


JONATHAN. - Et vous, Malkiscuah, ne serez-vous pas tenté de vous introduire dans le camp Philistin pour y. jeter le désordre ? Comptant sur notre faiblesse, l'ennemi se livre en paix à des réjouissances. Quelques braves auraient bientôt anéanti ces hommes ivres.


MALKISCUAH. - Il convient aux têtes folles d'entreprendre des folies. Allez donc vous couvrir de gloire, si tel est votre plaisir ; mais, ainsi que le prince Jiscui, le repos est de mon goût en cet instant


JONATHAN. - Fils de Saül, vous ne savez pas que le Seigneur lui-même menace le roi votre père.


MALKISCUAH. - Alors, que pouvons-nous contre ses arrêts ?


JONATHAN. - Notre dévouement fléchirait peut-être sa colère.


JISCUI. - C'est dans votre intérêt que vous parlez ; la couronne doit vous revenir défendez-la donc de votre mieux.


     (Le jeune homme qui porte les armes de Jonathan le suit hors de la tente il s'approche du prince.)


LE JEUNE HOMME. - Si vous avez besoin d'un bras résolu, d'un cœur dévoué, prince, vous pouvez disposer de moi.


JONATHAN. - Que le Seigneur te bénisse, serviteur fidèle. Viens, ne tentons plus ces cœurs lâches, et exécutons à nous deux ce qu'une armée refuse d'entreprendre


     (Ils s'éloignent.)


     (Des fanfares annoncent l'arrivée de Saül.)



SCÈNE  DEUXIÈME.

Les Précédents,  LA  REINE,  MICAL,  DAVID.



     (Abner, les princes Jiscui et Malkiscuah sortent de leur tente.)


ABNER. - Le roi arrive enfin parmi nous.


JISCUI. - Allons à sa rencontre.


LA REINE, entrant. - Général, faites cesser ce bruit. Le roi vient de s'endormir dans sa litière. Il est malade. Souffrez qu'au lieu de recevoir les honneurs dus à son rang, il prenne d'abord quelque repos dans votre tente.


     (On apporte Saül endormi ; les princesses et la reine entrent avec lui sous la tente d'Abner.)

JISCUI, à son frère. - Si le roi demande Jonathan, nous aurons soin de l'instruire de sa conduite téméraire.


MICAL revient. - Mes frères pourriez-vous m'apprendre ce qu'est devenu Jonathan ? Le roi s'est fâché contre lui hier ; il nous a quittés immédiatement, et nous sommes ma mère et moi, dans une mortelle inquiétude à son sujet.


MALKISCUAH. - Vous dites que Saül lui en veut déjà. En ce cas, l'action que va faire Jonathan n'est pas de nature à apaiser la juste colère de votre père.


MICAL. - De grâce, si vous savez quelque chose qui puisse nuire à Jonathan, n'allez pas le dire au roi. Tenez, mes frères, au lieu de vous déclarer les ennemis d'un prince aussi loyal, aidez-moi plutôt dans mes recherches pour trouver un habile musicien, afin de distraire Saül de ses douleurs. Croyez bien que cette découverte vous servira plus auprès de votre père que ne pourraient le faire vos accusations contre Jonathan.


     (On entend les sons d'une harpe. Mical et les princes écoutent quelques instants.)


MICAL. - Quels accords délicieux ! Jiscui, empressez-vous de m'amener cet envoyé céleste ; il vient rendre la vie à Saül.


     (Jiscui s'en va.)


MALKISCUAH. - Je n'ai jamais rien ouï de pareil. Je veux attacher cet homme à mon service.

MICAL. - Comment pouvez-vous en concevoir la pensée, lorsque je vous dis que le roi a besoin du secours de son art ? Ah, je ne le vois que trop, malgré mes prières et les sacrifices que je fais sans cesse offrir, le pontife a dit vrai : le Seigneur s'est retiré de la famille de Saül.


MALKISCUAH, - Orgueilleuse, vous savez bien que vous et Jonathan avez été exceptés par Samuel des malheurs qu'il prédit faussement à notre race. Le grand prêtre ne prétend il pas que vous serez reine d'Israël ?


MICAL. - Un tel honneur ne saurait m'être réservé ; d’ailleurs, je préfère de beaucoup la gloire de mon père à la mienne.


JISCUI rentre avec David. - Voilà ma sœur, le chétif musicien que vous désirez voir. Vous aurez soin de dire au roi que c'est moi qui l'ai amené.


DAVID. (Il est vêtu en berger.) - Prince, je suis venu ici de ma propre volonté, ou plutôt par obéissance envers le pontife Samuel qui m'a envoyé vers le roi malade.


MICAL. - Quel est votre nom ?


DAVID. - Je suis le septième fils d'Isaïe de Bethléem, et je m'appelle David.


MICAL. - Eh bien, David, venez avec moi sous la tente du roi, et si vous parvenez à guérir son mal en jouant de la harpe, vous pourrez demander telle faveur qu'il vous plaira, on ne vous refusera rien.


DAVID. - Le seul plaisir de vous obéir me paiera au delà de tous mes souhaits.


     (Ils entrent tous dans la tente.)


     (Entracte pendant lequel la harpe, se fait entendre.)


SCÈNE  TROISIÈME.

SAÜL,  DAVID,  MICAL , MÉHAB.



(Saül sort de la tente d'Abner il est encore abattu mais il se sent déjà soulagé d'une partie de son mal . La reine, les princesses et les princes entourent le roi. David marche respectueusement à sa suite.)


SAÜL, montrant David. - Cet homme est plus habile que tous les médecins. du royaume je ne veux plus qu'il me quitte, et n'ai nulle crainte de souffrir désormais. Les sons qu'il tire de sa harpe me rendent un calme bienfaisant David, vous prendrez, dès cet instant, le premier rang dans ma cour.


DAVID. - Je n'ai point mérité tant de faveur, et je demande au roi d'attendre que le sort m'ait offert quelque occasion de me distinguer avant de se montrer aussi magnifique envers moi.


LA PRINCESSE MICAL à sa sœur. - Voyez combien il est modeste !


MÉRAB. - Vous vous enthousiasmez un peu vite pour un berger ma sœur. Pour moi, je lui reconnais du talent ; mais son extérieur annonce un homme né pour les arts et fort incapable à la guerre


SAÜL. - Je sens mes forces revenir, et dès demain je me mettrai à la tête de l'armée pour attaquer les Philistins. Mais avant cela et afin de nous rendre le Seigneur propice, j'ordonne à toute l'armée, sans exception de rang, d'âge, ni de grade, de rester, d'un soleil à l'autre, sans prendre de nourriture. Qu'on fasse savoir cette volonté dans le camp en annonçant que celui qui l'enfreindra sera mis à mort fut-il mon fils.



(Les princes s'inclinent et sortent pour obéir aux ordres de leur père.)



(La toile se baisse encore une fois.)






ACTE TROISIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

La scène représente une forêt.

JONATHAN, un Jeune Homme, un Soldat.


(Jonathan et son serviteur arrivent.)



JONATHAN. - Quelles heureuses nouvelles nous allons porter au Roi. Les Philistins sont en déroute et tournent leur fureur contre eux-mêmes, ne sachant où trouver l'ennemi. Combien ils seront surpris, quand ils apprendront que deux hommes seuls ont fait tout ce ravage


LE JEUNE HOMME. - Laissez-moi vous devancer au camp pour engager le Roi à faire marcher aussitôt ses troupes.


JONATHAN. - Tu n'auras pas besoin d'aller bien loin, car j'aperçois d'ici de grands nuages de poussière ; je vois briller les armures et les armes des enfants d'Israël. Va donc vers mon père et apprends-lui ce qui est arrivé, afin que je rentre en grâce auprès de lui. (Le jeune homme sort.) La fatigue commence à saisir mes membres. Je me sens bien altéré, et j'éprouve un grand besoin de manger ; il est impossible de trouver quelque nourriture ici ; mais voyons si la forêt ne cache pas une source. (Il cherche de divers côtés et s'arrête devant un arbre mutilé.) Oh ! bonheur voici du miel, je vais en prendre un peu.


(Il y goûte à plusieurs reprises ; pendant ce temps des soldats de l'armée israélite arrivent sur le théâtre.)


UN SOLDAT. - Quel est celui qui ose désobéir à Saül ? arrêtons-le, et qu'il soit conduit au Roi.


JONATHAN. - Soldats, n'approchez pas de moi ; je suis le prince Jonathan.


LE SOLDAT. - Alors, malheur sur vous et sur nous tous, votre perte sera la ruine d'Israël.

JONATHAN. - Je ne vous comprends pas ; mais au lieu de me plaindre réjouissez-vous plutôt avec moi. Les Philistins sont en déroute. Hier vous me refusiez tous de venir les attaquer mon s,erviteur et moi, nous avons seuls accompli mon projet avec un plein succès.


LE SOLDAT. - Si cela est, il ne doit pas tomber un seul cheveu de ta tête.


JONATHAN. - Le Roi mon père, a-t-il résolu ma mort ?


LE SOLDAT. - Non ; mais hier un jeûne absolu a été prescrit à toute l'armée, sous peine de mort.


JONATHAN. - Je n'étais pas au camp lorsque l'ordre en est parvenu. Mon père m'excusera auprès de mon oncle.


LE SOLDAT. - C'est le Roi lui-même qui s'est engagé par serment à punir de mort le coupable, fût-il son propre fils.


JONATHAN. - Que le Seigneur daigne me prendre sous sa sauvegarde !


LE SOLDAT. - On va camper dans cette forêt, et Saül dirige aujourd'hui les troupes.



SCÈNE DEUXIÈME.

LES MÊMES, JISCUI, MALKISCUAH.



JISCUI. - Ah ! vous voilà, Jonathan, à votre air contristé il est facile de voir que votre courage s'est démenti en route.


JONATHAN. - Non mon frère, et ma tentative a pleinement réussi.


MALKISCUAH. - Quoi ! les Philistins auraient reculé devant vous


JONATHAN. - Oui.


MALKISCUAH. - Pour ma part, grâce au jeûne prescrit par le Roi, je ne serais guère capable, en ce moment, de tenir tête à l'ennemi ; et vous, mon frère, je suppose qu'après vos exploits ; vous devez aussi être cruellement tourmenté par la faim.


JONATHAN. - Dans l'ignorance où j'étais de la volonté du Roi, j'ai goûté à un rayon de miel.


JISCUI. ! Ah ! mon frère, qu'avez-vous fait ?


JONATHAN. - Je suis résigné à subir mon sort.


MALKISCUAH. - Pauvre Jonathan !



SCÈNE TROISIÈME.

Les Précédents SAUL DAVID, LA REINE,

LES PRINCESSES, des Officiers.



SAÜL. - Mon fils Jonathan je viens d'apprendre ce que nous vous -devons tous, et mon cœur se réjouit d'avoir un fils tel que vous.


JONATHAN. - C'est déjà trop pour moi, mon père, que vous oubliiez votre colère d'hier.


SAÜL. - Mon cœur est plein de tendresse pour vous, et voici votre mère et vos sœurs qui ne se lassent point de répéter vos louanges. Il a plu au Seigneur de m'accabler de dons en ce jour, malgré les prophéties de Samuel, et je dois vous présenter, mon fils, ce nouveau serviteur (il désigne David) dont le talent sur la harpe endort mes douleurs, et rend toujours à propos le calme à mes esprits.


JONATHAN. - Souvent le Seigneur frappe ses plus rudes alors que l'homme se réjouit.


SAÜL. - Prince, ce langage me blesse ; ne recommencez pas à vous faire l'interprète de Samuel.


JONATHAN. - Mon père un grand malheur vous attend.


JISCUI, bas à Malkiscuah. - Il a résolu de se perdre lui-même


SAÜL. - Parlez donc malheureux, rappelez le glaive dans mon sein. Venez troubler de
nouveau ma raison qui commençait à se raffermir. Je sens déjà mes membres qui frémissent. Je vais retomber sous l'obsession du malin esprit.


LA REINE. - Mon fils, quel est donc votre dessein ?


JONATHAN. - Ah ! puissé-je exciter vos ressentiments jusqu'à vous rendre moins cruel le coup qu'il me reste à frapper !


SAUL. - Mon fils je vous ordonne de parler sans détour.


JONATHAN. - Grand roi, un Israélite a rompu le jeûne.


SAÜL. - Sa vie me répondra de sa désobéissance. Cet homme, quel est-il ?


JONATHAN. - Moi !


LA REINE ET LES PRINCESSES. (Elles viennent se jeter aux pieds de Saül.) Grâce ! grâce, pour votre fils. pour notre frère !


SAÜL. - Les serments faits au Seigneur sont irrévocables. Jonathan doit mourir.


LA REINE, se tournant vers les officier. - Braves Israélites, vous ne souffrirez pas que cet acte barbare s'accomplisse ; je remets la vie du prince sous votre sauvegarde, et si le sang humain doit plaire au Seigneur, je m'offre pour victime à la place de mon fils.


JONATHAN. - Ma mère, n'apprenez pas à vos sujets à méconnaître l'autorité du roi.


LA REINE. - Eh ! que m'importe ce sceptre et sa puissance mensongère. Ne sommes nous pas chaque jour en péril de voir le peuple se révolter contre nous ? Et Saül serait maître absolu, seulement alors qu'il s'agirait de frapper de mort un de ses fils. Soldats, voici l'instant d'opposer la force aux volontés d'un père insensé. Répondez à ma voix, parlez, laisserez-vous mon fils périr ?


(Les officiers s'avancent entourent Jonathan et l'un d'eux porte la parole.)


L'OFFICIER. - Jonathan a sauvé Israël, nous ne lais- serons pas tomber un cheveu de dessus sa tête.


LA REINE. - Saül, vous l'entendez ; voulez-vous maintenant lutter contre l'opposition de l'armée ?


SAÜL. - Vous sauvez Jonathan mais vous nous perdez tous.


JONATHAN. - Mon père, qu'il soit fait selon votre jugement.


SAÜL. - Malheureux prince, pourquoi m'avez-vous désobéi ?


JONATHAN. - J'étais loin du camp, lorsque vous avez annoncé le jeûne. Aucun avis ne m'en est parvenu, tandis qu'avec mon seul homme d'armes, je mettais les Philistins en déroute. Accablé de fatigue, et saisi par une soif brûlante, je revenais vers vous avec l'espoir d'avoir mérité votre suffrage. En passant dans la forêt, j'ai découvert un rayon de miel dans le creux d'un arbre ; à peine en avais-je goûté, que des soldats sont survenus et m'ont appris mon crime involontaire.


LES OFFICIERS. - Il n'est pas coupable ; le prince ne mourra pas.


MICAL. - Mon père, dites comme eux ?


SAÜL. - Je renonce à le punir.


LA REINE. - Que le Seigneur vous comble de bénédictions.



ACTE QUATRIÈME.

 

David est dans un champ au milieu de ses brebis. Sa harpe est près de lui.



SCÈNE PREMIÈRE.

DAVID seul.



DAVID. - Maintenant que le roi n'a plus besoin de moi, je reprends avec joie mon service de pasteur. Les honneurs de la cour me tentent peu, et hors l'affection du prince Jonathan et celle de la princesse Mica, je ne regrette pas ma faveur passagère dans la famille de Saül. En me prédisant une haute fortune, le pontife Samuel s'était étrangement trompé. Les desseins de Dieu sur moi se bornaient à m'envoyer au secours du père de Jonathan.



SCÈNE DEUXIÈME.

DAVID, JONATHAN.



JONATHAN. - Je vous cherchais partout, fils d'Isaïe, car votre départ m'a plongé dans le chagrin. Hélas ! moi aussi, je dois quitter mon père. Saül ne sait plus reconnaître entre les siens quels sont les serviteurs fidèles ; il vient de me nommer à un gouvernement éloigné, comme si les Philistins étaient à jamais vaincus.


DAVID. - Est-il bien vrai que le Roi se sépare volontairement' de son plus brave défenseur ?


JONATHAN. - Mes frères m'ont desservi dans l'esprit de mon père. Ce qui m'afflige le plus en lui, c'est de penser qu'un péril inattendu peut surprendre le Roi, et que je ne serai pas là pour l'en garantir.


DAVID. - Prince, vous pouvez du moins compter sur mon zèle.


JONATHAN. - Votre bonne volonté est sans bornes, et si mon père retombait malade, je sais que vous iriez encore charmer son mal en jouant de la harpe auprès de lui. Mais ce n'est pas seulement l'esprit malin que je redoute pour Saül. Les Philistins peuvent fondre à l'improviste sur l'armée, et alors où serait l'homme capable de conduire nos soldats à la victoire ?


DAVID. - Je ne craindrais pas de me mesurer contre dix Philistins.


JONATHAN. - La jeunesse trahirait en vous la bonne volonté.



DAVID. - Prince, ne me méprisez pas pour la petitesse de ma taille ; car, sous ces frêles dehors, le Seigneur m'a doué d'une grande vigueur, depuis le jour où Samuel a versé l'huile sainte sur mon front.


JONATHAN. - Samuel aurait désigné en vous le successeur de mon père ?


DAVID. - Que cet aveu ne vous porte point à la colère contre moi, prince, jusqu'à ce qu'il plaise au Seigneur d'opérer, par sa seule volonté, un si grand miracle, vous et les vôtres n'aurez pas de plus fidèle serviteur que moi.


JONATHAN. - Ah ! je reconnais trop que vous dites vrai, David, et si un jour vous portez la couronne, je réclame l'honneur de marcher immédiatement après vous.


DAVID. - Jurons-nous une éternelle alliance devant le Seigneur.


JONATHAN. - Je m'engage solennellement, en sa présence, à vous aimer en frère jusqu'au jour où je vous servirai avec le respect dû à un maître. Avant de partir je ferai remettre chez vous mon manteau, mon épée, un arc, ce baudrier, que je vous prie de garder en mémoire de moi.


DAVID. - Mes présents, à moi, seront les dépouilles de deux ennemis que je peux vous montrer étendus morts à quelques pas d'ici.


(Ils s'avancent vers un fossé.)


JONATHAN. - Un lion ! et un ours ! quelle main les a terrassés ?


DAVID. - La mienne. Je paissais tranquillement les troupeaux de mon père. Ces deux animaux arrivèrent et voulurent emporter une brebis ; je courus après eux, j'arrachai la brebis de leur gueule, et les prenant tous deux par la mâchoire je les frappai si rudement l'un contre l'autre que je les tuai.


JONATHAN. - Si vous prenez les armes contre les Philistins, la victoire ne sera plus douteuse. Adieu, mon frère, je vous recommande la personne de Saül.


DAVID. - Je le défendrai comme si c'était vous- même.


(Jonathan s'en va.)


 


SCÈNE TROISIÈME.

M!CAL, suivie d'une de ses femmes, DAVID,
Un Héraut d'armes.



MICAL à sa suivante. - C'est à peine si j'ose marcher en sécurité par ici ; j'ai toujours peur des ennemis, ou des bêtes féroces, et personne ne se présenterait pour nous protéger.


(Elle passe.)


DAVID, à part. - La princesse ne se souvient déjà plus de moi. Je vais lui faire entendre ma harpe, afin qu'elle sache que son fidèle serviteur n'est pas loin.


(Il joue un air mélancolique.)


MICAL, revenant. - David est ici ! Quoi ! ce serait lui qui garde les moutons ? La faveur de mon père est-elle de si courte durée ? (Elle s'approche du berger.) Fils d'Isaïe, pourquoi avez-vous quitté la cour de Saül ?


DAVID. - Mes frères commençaient à murmurer contre mon élévation subite, et pour rendre la paix au vieil Isaïe, je suis revenu prendre l'emploi pour lequel j'ai été élevé.


MICAL. - Jonathan n'a-t-il pas cherché à vous retenir ?


DAVID. - Ce prince aussi a quitté la cour, et j'ai, tout à l'heure, reçu ses adieux ici. Ainsi que les miens, les frères du prince Jonathan sont toujours prêts à le persécuter.


MICAL.- Temps déplorables ! Je suis partie seulement depuis deux jours pour venir consulter Samuel à Bethléem, et déjà tous ces changements sont accomplis. (Un Héraut d'armes traverse la plaine.) Oh ! sans doute, je vois encore un messager de malheur dans cet homme ; David, veuillez l'appeler vers moi.


DAVID, allant au devant du Héraut. - Êtes-vous en course pour ordonner une nouvelle levée d'armes dans les tribus ? La désolation est répandue partout.


MICAL. - Qu'est-il arrivé ?


LE HÉRAUT. - Un géant appelé Goliath, est venu du camp des Philistins il ravage les terres des Israélites, enlève les hommes, les femmes et les enfants, sans qu'il soit possible d'arrêter son bras. Saül tremble sur son trône ; il a promis d'immenses récompenses et la main de sa fille aînée, la princesse Mérab, à celui qui lui rapportera la tête du géant.


DAVID. - Si j'étais prince, au lieu d'être un simple berger, je me battrais avec joie contre le géant ; mais il faudrait que le Roi me laissât le choix de l'une de ses filles.


MICAL. - Ma sœur est recherchée en mariage par Hadriel, prince méholathite.


LE HÉRAUT. - Quand le roi a dit que le vainqueur du géant appelé Goliath épouserait sa fille, il n'a excepté aucun rang de la concurrence.


DAVID. - Eh bien je marcherai au combat avec désintéressement et pour le seul honneur du peuple d'Israël car ma présomption est loin de s'élever aussi haut que sur la fille d'un roi.


MICAL. - Si le Seigneur est propice à mes vœux, vous triompherez et le roi trouvera bien une de ses filles disposée à répondre pour sa promesse.


DAVID. - Héraut, dis-moi où je dois trouver Goliath pour le combattre.


LE HERAUT. - Il est dans le camp de Mie-Mas.


MICAL. - Je retourne auprès de Saül pour lui annoncer que j'ai trouvé un généreux. défenseur.



La toile se baisse.



ACTE. CINQUIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

La toile se lève ; on revoit le palais de Saül.


SAÜL, LA REINE, MÉRAB, MICAL.



SAÜL. - Ma fille cet homme ignore sans doute quelle est la force de l'ennemi qu'il s'est engagé à combattre. La taille de Goliath est de six coudées et une palme de haut ; il est armé d'une cuirasse à écailles, et cette cuirasse pèse cinq mille sicles d'airain. Des cuissards d'airain couvrent ses cuisses, et il porte aussi un bouclier d'airain entre ses épaules. La hampe de sa hallebarde ressemble à l'ensuble d'un tisserand, et le fer qui la surmonte pèse six cents sicles de fer. Nous le voyons sans cesse sortir des rangs de l'armée et s'avancer couvert de son bouclier qu'un homme porte devant
lui ; Alors, il s'écrie insolemment « Qu'il vienne donc un Israélite se mesurer avec moi ; je consens à livrer le combat pour les Philistins si j'ai l'avantage, vous nous se-rez assujettis et nous servirez ; mais si vous trouvez un homme capable de me vaincre, les Philistins, au contraire, deviendront les esclaves des Israélites. » Accepter ce défi, me paraît téméraire ; et, toutefois, si nous entrons en bataille, Goliath, à lui seul, peut détruire mon armée.


MICAL. - Celui qui a pu vaincre à la fois un lion et un ours, sans autre secours que la force de son bras, ne tremblera pas devant Goliath.


SAÜL. - Et ce guerrier, quel est-il enfin ?


MICAL. - Un berger.


SAÜL. - Je vous demande son nom.


MICAL. - Il m'est impossible de le dire.


MERAB. - Mon père, n'allez pas promettre ma main à un gardien de troupeaux.


LA REINE. - Faites taire votre orgueil, ma fille, car le péril est tel que vous courez le risque de devenir l'esclave de la femme d'un soldat philistin.


SAÜL. - Quand verrons-nous, ma fille ; le sauveur que vous nous promettez ?


MICAL. - Je lui ai fait dire de se rendre au camp vous l'y trouverez si vous consentez à ce que le combat ait lieu demain matin.



La toile se baisse.


ACTE SIXIÈME.



Le théâtre représente deux camps ; les tentes sont rangées à droite et à gauche de la scène ; des soldats philistins et israélites sont prêts à livrer bataille. Saül est à la tête des siens.


(Il fait encore nuit.)



SCÈNE PREMIÈRE.

Officiers Israélites, GOLIATH, DAVID

ÉLIAB, ABINADAB, SAÜL.

(Quelques officiers du camp israélite s'entretiennent ensemble.)



PREMIER OFFICIER. - Saül se livre chaque jour à de nouvelles fureurs : le peuple est opprimé ; il murmure sans cesse. Samuel refuse de répondre aux messagers du roi. On assure même qu'il prédit la destruction de la maison royale. Nous vivons en un temps où il doit s'accomplir plus d'une révolution dans Israël.


SECOND OFFICIER. - Camarade, je vous engage à mesurer vos paroles car le roi est devenu jaloux de son autorité, et votre vie serait en danger s'il vous entendait.
 

(Pendant cette conversation le jour augmente peu à peu.)


PREMIER OFFICIER. - Tout à l'heure, quand le réveil sonnera, nous allons encore subir les bravades de Goliath. N'est-ce pas un grand malheur que l'armée d'Israël n'ait aucun homme d'une grande force à opposer au géant philistin.


UN AUTRE OFFICIER. - Le bruit s'est répandu qu'un berger s'était offert à lutter contre Goliath.


PREMIER OFFICIER. - Un berger ! Déjà un homme de cette classe a sauvé la vie du roi, en jouant de la harpe ; bientôt sans doute aussi un gardien de troupeaux se présentera pour nous gouverner.


(Le jour est revenu on entend des fanfares partir des deux camps.)


UN OFFICIER. - Rentrons dans nos tentes pour cacher
notre honte aux Philistins.


(Les tentes des Israélites sont fermées on ne ne voit plus personne de leur cote. Le géant Goliath sort du camp philistin.)



GOLIATH (d'une voix forte.) - Pourquoi ne sortez-vous pas, pour vous en bataille ? Ne suis-je pas Philistin, et vous, n'êtes-vous pas des serviteurs de Saül ? Trouvez donc au moins un homme qui vienne se mesurer avec moi. S'il est vaincu, la victoire reste aux Philistins ; mais s'il me tue, les miens vous suivront en servitude.


(Il attend quelques instants, puis il rentre dans sa tente.)


(Les officiers israélites sortent de nouveau.)


PREMIER OFFICIER. - Se présenter à lui c'est courir à une mort certaine !


SECOND OFFICIER. - Et perdre l'armée et le peuple à la fois.


PREMIER OFFICIER. - Tous les jours, cependant, il répète les mêmes provocations.


DAVID. (vêtu en berger, et portant un panier, s'avance vers les officiers.) - Seigneur, pourriez-vous me dire où sont les fils d'Isaïe de Bethléem ?


UN OFFICIER. - Vous les trouverez dans le camp, ou plutôt je vais les faire appeler ici, et vous leur parlerez en notre présence.


(Il sort.)


PREMIER OFFICIER. (Sans faire attention à David.) - Et ce berger annoncé est, sans doute, un homme de haute stature ; on lui donnera des armes de la force de celles de Goliath.


SECOND OFFICIER. - C'est une vaine espérance d'attendre un adversaire digne de Goliath.


DAVID. - Le Seigneur a quelquefois ôté la force au puissant pour la donner au faible.


PREMIER OFFICIER. - Toi qui t'exprimes selon la sagesse, se rais-tu l'envoyé de Dieu ?

DAVID. Mon désir est de lutter contre Goliath.


(L'officier revient avec les frères de David.)



DAVID va à leur rencontre. - Eliab, Abinadab, et vous Scamma, notre père Isaïe m'envoie vers vous ; je vous remets en son nom, un epha de froment rôti et dix pains ; je dois rapporter de vos nouvelles à Bethléem. Voici encore dans le panier dix fromages de lait qu'Isaïe vous charge d'offrir à votre capitaine de millier.


PREMIEB OFFICIER. - David ne dit pas tout, il s'est mis aussidans l'esprit de combattre Goliath.


ELIAB. - C'est donc pour cela, misérable enfant que vous avez abandonné nos troupeaux ; retournez au plus vite vers les hauts lieux, sans vous aviser de prendre souci des choses qui regardent les hommes faits.


DAVID. - Dieu a parlé en ma faveur, mon frère ; j'obéirai à sa voix.


ABINADAB. - Orgueilleux ! n'est-ce pas assez pour toi d'avoir joué de la harpe devant le Roi ?


PREMIER OFFICIER. - Quoi c'est un joueur d’instruments qui
prétend devenir un guerrier ?


SECOND OFFICIER. - En vérité, Goliath aurait là un redoutable adversaire.


ABINADAB. - Retourne à tes moutons et à tes vaches, David, tu n'es pas fait pour vivre au milieu des hommes d'armes.


(Le géant Galiath paraît. Tous les Officiers et les fils d'Isaïe rentrent aussitôt dans les tentes ; David seul reste sur le champ de bataille.)


(David ayant déposé son panier derrière la tente n'a plus en main que son bâton. Il attend le géant de pied ferme.)



GOLIATH. - Ah, je vous surprends, lâches et misérables Israélites. Voyons donc s'il s'en trouvera un parmi vous qui ose combattre. Ils se sauvent tous encore une fois. Et toi, enfant, dans quel dessein reste-tu là, est-ce pour leur faire honte ?


DAVID. - J'ai promis aux oiseaux du ciel et aux animaux de la terre de leur donner tes membres pour pâture et je vais te tuer.


GOLIATH. - Ton visage est doux, mon enfant, tes cheveux sont blonds ; vrai, j'aurais du regret à te faire périr, va-t-en.


DAVID. - L’Éternel m'a ordonné de marcher contre toi. Je lui obéis sans crainte.


GOLIATH. - Du moins va cacher tes membres sous une cuirasse ; abrite ta tête sous un casque, afin que je me figure avoir un adversaire moins indigne de moi.


DAVID. - Mon bâton me suffira pour te vaincre.



GOLIATH, avec fureur. - Me prends-tu pour un chien ? Je te maudis par Kémos et par Hammon, misérable Israélite, et je porterai tout à l’heure ta tête sur l'autel élevé en l'honneur de ces dieux.


DAVID. - Moi, je te frapperai au nom'de l'Éternel qui protège Israël.


(Le combat s'engage. Goliath, vaincu, tombe à terre. Les officiers entrouvrent leur tente pour regarder la lutte. Goliath tombe, David l’entraîne hors de vue et revient quelques instants après portant dans sa main la tête du géant.)


(Les Officiers se montrent et Saül arrive en même temps au milieu du camp.)



LES OFFICIERS crient à plusieurs reprises. - Gloire ! Honneur au fils d'Isaïe ! Gloire à David ! Il a sauvé Israël !


SAÜL. - Quels sont ces cris et quel est le vainqueur que l'on salue ainsi ?


DAVID vient s'agenouiller devant Saül. - Roi, c'est le dernier de vos sujets qui vient mettre à vos pieds la tête de votre ennemi.


LES OFFICIERS. - Gloire ! Honneur au fils d'Isaïe ! Gloire à David ! Il a sauvé Israël ! Que le Roi lui accorde sa fille Mérab et le rang dû à son mérite


SAÜL. - Ces cris me fatiguent. A vous entendre, soldats, on dirait que vous venez d'élire un nouveau chef. David a sans doute mérité les suffrages ; mais avant de le récompenser selon les promesses que j'ai faites au vainqueur de Goliath, j'entends livrer une bataille je combattrai en personne, et si David se conduit devant l'armée comme il l'a fait ici, je le proclamerai mon gendre.


DAVID. - En me donnant une nouvelle occasion de vous servir, ô Roi ! vous augmentez ma reconnaissance.


SAÜL. - Eh bien quittons ce camp et allons attaquer les Philistins à Hékron où ils sont retranchés en plus grand nombre qu'ici.



La toile se baisse.


ACTE SEPTIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le palais de Saül.

Le Roi, LA REINE et ses deux Filles, grand nombre d'Officiers,

DAVID, vêtu de riches habits, Chœurs et Danses.



CHOEUR DE JEUNES FILLES CHANTANT. -

Saül a tué mille Philistins,
David en a tué dix mille.
Gloire au Seigneur !
Gloire à David !

 


SAÜL, à la reine. - Ces chants insolents me poursuivent jusqu'en mon palais, et ce berger me dérobe le mérite de la victoire.


LA REINE. - Donnerez-vous votre fille à un gardien de troupeaux ?


LE ROI. - Mérab ne saurait y consentir ; cependant l'armée se révolte si je manque à ma parole.


LA REINE - Du moins, offrez à David la main de Mical ; songez que Mérab était destinée à un prince.


LE ROI. - Votre idée est bonne, car si je puis ainsi fâcher David il me sera plus facile de l'éloigner.


(Les Chœurs et les Danses recommencent.)


CHOEUR DE JEUNES FILLES CHANTANT. -
Saül a tué mille Philistins,
David en a tué dix mille.
Gloire au Seigneur !
Gloire à David



LA REINE. - Mettez fin à ces réjouissances.


SAÜL fait signe aux chanteurs de s'éloigner. - Approchez David, et dites-nous-ce qu'il nous reste à faire pour vous.


LE CHOEUR. -

Le vainqueur de Goliath

Épousera la fille aînée du Roi.


DAVID. - Seigneur, votre peuple le dit et j'attends les effets de votre promesse.


MÉRAB, à part. - Plutôt mourir, que d'épouser le fils d'Isaïe.


MICAL, à part. - Pourquoi ne suis-je pas à la place de Mérab ?


SAÜL. - Ma fille Mérab est engagée à un roi, qui devient, par ce mariage, l'allié d'Israël. Voyez, si vous voulez vous contenter de la main de ma jeune fille Mical.

DAVID. Quand Goliath ravageait les terres de votre peuple, ô roi vous étiez moins réservé dans vos offres. Mais, tel est mon respect pour vous, que je me trouverai encore trop honoré en épousant la princesse Mical.


LA REINE, à part. - Malheur sur moi et sur ma race, de voir une telle alliance.


SAÜL, à David. - Que ma fille apporte dans ta maison tout le bonheur que je te souhaite.


DAVID. - Je ne sais si vos paroles expriment la haine ou la tendresse. Mais je jure ici que nul présent ne pouvait me rendre plus heureux que la main de Mical.


MICAL, à David. - Notre mariage est-il un acheminement à l'accomplissement des prédictions que Samuel a faites à notre égard ?


DAVID à Mica!. - Quels que soient les sentiments du roi pour moi, en devenant son fils, je m'engage à lui garder une fidélité et une soumission inviolables.


(Le chœur et les danses recommencent puis la toile tombe pour la dernière fois.)


FIN

 

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